De toute évidence, Philippe Katerine ne reste jamais longtemps en panne d’inspiration. Il publie aujourd’hui son premier livre aux éditions Denoël : Doublez votre mémoire, un journal graphique. Comme pour toutes ses créations, que ce soit dans la musique ou dans le cinéma, le résultat est brillant, le ton est léger et surréaliste, la sincérité et l’humour sont omniprésents.
Grâce à son dernier album Robots après tout (2005), chef d’œuvre d’efficacité électro-pop aux gimmicks devenus célèbres, Philippe Katerine a énormément gagné en notoriété. Un coup de projecteur éblouissant sur un artiste atypique dont les œuvres antérieures n’ont pas connu le même succès. Un essai cinématographique (Peau de Cochon, 2005) et d’innombrables concerts plus tard, Katerine sort son premier livre.
Doublez votre mémoire constitue un trait d’union entre l’univers légèrement abscons, torturé et poétique des ses premiers albums (L’Éducation anglaise, Les Créatures, L’Homme à trois mains…), et l’icône pailletée et triomphante toute de rose vêtue de l’ère Robots après tout. Ce journal — intime/graphique/de bord (et pourquoi pas Guy Debord ?) — est étonnant, foisonnant, inspiré, peuplé de dessins, de textes et de collages. Sur la quatrième de couverture, Philippe Katerine confesse avoir acheté un cahier vierge début 2007 ; en l’espace de quelques mois, il l’a rempli de la première à la dernière page, exploitant les interstices temporels laissés par son emploi du temps chargé — c’est-à-dire essentiellement la nuit.

© 2007 Katerine / Denoël
Le résultat est des plus réjouissants. On retrouve avec bonheur dans cet ouvrage la même touche surréaliste, la même élégance et le même humour que dans ses chansons. Sur 264 pages aérées, Katerine nous fait part de réflexions, d’anecdotes, de souvenirs d’enfance, d’obsessions et de fantasmes, sans jamais la moindre prétention. La place prise par les éléments graphiques est toujours parfaitement ajustée avec celle des textes. À l’image de son écriture, sans pareille dans la chanson française actuelle, le dessin de Philippe Katerine est net, léger, et empreint d’une fantaisie débordante.
À plusieurs reprises, les visions de Philippe Katerine, celle du «rêve christique avec de la merde», ou encore «l’action de chier sur un oiseau mort», inspirent une certaine hilarité. Même les souvenirs douloureux — comme cette année d’internat qu’il raconte avoir passée dans un établissement catholique, où ses camarades le surnommaient «Poubelle» — sont évoqués avec drôlerie et justesse, les sentiments magnifiés par un authentique sens de la poésie qui, on le découvre dans ce livre, est un don très précoce chez Katerine. Entre autres expériences fondamentales, le jeune Philippe s’est amusé en effet à mettre des chaussures dépareillées, à observer un oiseau se cogner plusieurs fois dans sa chambre un jour de grippe en été, et il est parti refaire sa vie à Antibes à 11 ans, en partant avec le même baluchon que «Tom Sawyer à la télé» (la fugue tourna court).
Doublez votre mémoire donne un nouvel éclairage sur la personnalité fascinante de Philippe Katerine ; il est également tout à fait recommandable pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore.
ZOO10
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