Ce mercredi 25 juin 2025 sort le guide touristique New Cherbourg, aux éditions Blueman, qui propose d’une part de se balader dans les rues de la ville imaginaire, mais qui fait aussi le lien entre la fiction et la réalité, comprenant de nombreuses références avec Cherbourg elle-même. Rencontre croisée entre Romuald Reutimann, l’artiste, Lucie Umbra, à l’origine du guide, qui représente l’association New Cherbourg Society, et Guillaume Feliu pour les éditions Blueman.

Couverture du guide touristique New Cherbourg sorti le 25 juin 2025 © Blueman
En 2018, Romuald Reutimann et Pierre Gabus publient, avec les éditions Blueman, le premier fascicule de New Cherbourg Stories qui nous invite à plonger au cœur d’une version alternative de la ville normande. Ambiance rétrofuturiste, espionnage et mystérieuses créatures amphibies sont au menu. Casterman s’intéresse alors au projet et, en 2020, sort le premier album sous-titré « Le monstre de Querqueville ». Les volumes vont ainsi se suivre sur un rythme annuel jusqu’en 2024.
Cependant, l’univers de la série se développe déjà au-delà des albums BD. Romuald Reutimann produit depuis le début, pour des expositions ou des commandes, de nombreuses illustrations qui mettent en scène cette vision transcendée, les rues, les changements avec la réalité, et progressivement viennent aussi se glisser les personnages des albums, animant des micro-récits qui augmentent la perception de New Cherbourg, comme on a pu s’en rendre compte dans le recueil d’illustrations paru en 2022, à nouveau édité par Blueman.
Romuald Reutimann : Avec New Cherbourg, l’idée c’était de créer une matière qui allait intéresser localement des gens capables de produire des projets en relation avec NC tout en restant proche de ce qui avait déjà été fait dans les histoires dessinées. Des portes d’entrée qui évoluent selon l’actualité.
Guillaume Feliu : New Cherbourg Stories devient vraiment ce que l’industrie du divertissement appelle une IP, une propriété intellectuelle. C’est un univers de fiction qui sort de son lit et qui « contamine » d’autres médias ou types de supports. C’est rare et c’est un plaisir de voir cela, c’est la preuve qu’on peut encore créer des choses à notre petit niveau, même si ça reste très local. Il n’y a pas de « petit » public ! Et j’adore travailler avec Romuald. Alors, ma foi, quand le talent, les idées et le succès, aussi limités soient-ils, se rencontrent, et qu’en plus l’amitié vient se mêler à tout ça, pas de raison de bouder son plaisir.
Pour soutenir les projets qui peuvent éclore de cette démarche en marge, l’association New Cherbourg Society est créée en 2021, avec pour but de promouvoir cet univers en développant des nouvelles pistes de lecture.

Sommaire du guide touristique New Cherbourg sorti le 25 juin 2025 © Blueman
Lucie Umbra : L’idée initiale c’était vraiment d’avoir une approche transmédia de cet univers, qui nous permettait de toucher un public assez varié, tout en allant chercher du côté de leurs centres d’intérêt, comme le jeu vidéo, la bande dessinée, l’illustration. On savait que ça n’allait pas forcément intéresser les mêmes personnes, à la base, mais les possibilités étaient nombreuses.
Romuald : Aujourd’hui, les albums se vendent toujours, chaque fois que l’association fait quelque chose, on renvoie aux albums. Dans le guide, on te montre les couv qui renvoient vers Casterman, vers les librairies, etc.
Après le recueil et des puzzles en 2024 qui reprennent quelques illustrations parmi les plus symboliques de la démarche, l’association propose aujourd’hui un guide touristique de New Cherbourg pour mieux évoluer dans la ville et savourer les parallèles avec la réalité.
Lucie : Avec ce nouveau projet de guide, on a vraiment envie d’élargir le champ d’action de New Cherbourg en touchant cette fois un nouveau public qui peut ne jamais avoir mis les pieds à Cherbourg, ou juste être de passage, avec l’envie de découvrir la ville. Ce guide lui donne alors une perspective, dirons-nous, plus « romanesque » pour animer cette visite.
Romuald : Il y a deux parcours proposés dans le guide qui sont basés sur le point de vue des illustrations choisies. Un parcours centre-ville et un plus large, avec une carte dédiée pour chaque.
Lucie : On a essayé d’avoir une proposition qui suit une certaine logique, et l’ordre des illus suit bien évidemment l’ordre des étapes des parcours. Les gens peuvent, au choix, faire tout de A à Z, mais aussi prendre un endroit au hasard, qui les intéresse, et y aller directement. L’ordre n’est qu’une suggestion.
Romuald : Même s’il peut y avoir une confusion dans les esprits, entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, les gens vont reconnaître les endroits, car on annonce dès le départ ce parallèle avec la ville d’aujourd’hui, mais maquillée. Ce guide est vraiment une étape importante dans la collaboration avec l’association. De plus, la maquette a évolué par rapport au début, et là, il y a une double page qui n’est consacrée qu’à Cherbourg aujourd’hui, par exemple.
Lucie : Pour chaque illustration, il y a deux doubles pages : sur la première, on a l’illus avec les infos pratiques du lieu qui est représenté, avec une petite carte, et sur la seconde, on entre vraiment dans l’histoire du lieu réel.
Guillaume : Quand Lucie et Romuald m’ont présenté le concept de la vraie ville qui sert de base à la fiction qui permet à son tour de découvrir la vraie ville, j’ai applaudi des deux mains.
Au début, il était question que le guide me tombe tout cuit entre les mains, je n’avais qu'à imprimer. Mais le rôle de l’éditeur, c’est d’amener son grain de sel partout où il peut. Je voyais un guide genre Lonely Planet, sans savoir qu'eux voyaient un grand livre genre artbook. Quand on a commencé à parler maquette un peu sérieusement, ils ont accepté l’idée qu’un guide de voyage, ça doit tenir dans un sac à main.
J’ai ensuite mis mon grain de sel dans les textes, dans les photos, dans les images d’archives, dans les cartes…
Romuald : Ce guide, c’est vraiment un jeu entre la réalité et la fiction en permanence, avec des références qui rebondissent les unes sur les autres. L’idée, encore une fois, étant de se faire plaisir et d’avoir un bel objet qui nous renvoie à un univers de fiction. Il s’est passé exactement la même chose, à l’inverse, par exemple, avec le film de Jacques Demy, « Les Parapluies de Cherbourg », en 1964. Ils ont utilisé la réputation de Cherbourg comme « ville pluvieuse », où l’on avait besoin de parapluie… Une idée de fiction qui a ensuite infusé dans la réalité pour devenir un produit (le film va amener, vingt ans plus tard, en 1986, la création de la marque « Les parapluies de Cherbourg » …).

4e de couverture guide touristique New Cherbourg sorti le 25 juin 2025 © Blueman
Plus qu’un simple projet d’album, l’univers de New Cherbourg est aujourd’hui un creuset d’idées pleines de potentiels où la relation entre un artiste, son éditeur et l’association qui l’accompagne entre en résonance avec une ville imaginaire et son modèle.
Régulièrement, des rencontres sont ainsi organisées entre les auteurs et les adhérents/lecteurs qui perpétuent alors l’idée d’une ville fictionnelle particulièrement vivante, nourrissant les projets à venir de leurs anecdotes locales. Des projets qui ne manquent d’ailleurs pas, qu’il s’agisse des romans par Lucie Umbra, d’autres puzzles, l’éventualité d’un second recueil d’illustrations… Plus que jamais au cœur de l’actualité, New Cherbourg ne cesse de s’étendre, pour notre plus grand plaisir.
Pour aller plus loin
Guide
Votre Avis