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Sous la Montagne d’argent

La poésie du Quechua

Pourquoi as-tu laissé des dialogues dans une autre langue, sans traduction ?

Je ne voulais pas de traduction. Je ne parle pas espagnol, mais les phrases qu’il y a se lisent facilement. Le texte off est en français avec une réinterprétation de la langue quechua, qui a un style poétique, très en image. Anne a appris le quetchua donc elle a pu s’approcher de cette divagation pleine de sentiments, d’où le style de cette voix off. Je ne voulais pas que les personnages brisent ça avec des phrases du type « Allez, on va prendre le bus ! ». Et puis comme ces gens s’expriment en espagnol, il y a un effet de réel plus intéressant, comme si on était immergé avec eux.


Tu nous places pile entre réel et fantastique…

C’est exactement ça, c’est du réalisme fantastique qui appartient à la tradition sud-américaine. Avant je ne comprenais pas du tout, je trouvais ça un peu délirant mais maintenant que j’y suis allé, que j’ai vu ces paysages, ça me parle.

Moi je n’invente rien et ce ton et cette imagerie très forte m’ont aussi poussé à faire ce livre ! On pourrait croire que ces gens là sont très naïfs, mais ils vivent avec une sorte d’animisme qui pourrait être quelque part plus vrai que notre matérialisme.  Eux donnent une âme à la montagne, nous on prend une montagne et on l’exploite pour le charbon ou l’argent. Le retournement final leur donne bien raison…


Comment as-tu travaillé ta représentation du diable ?

Je suis reparti des vraies représentations des diables des mines de Potosi puis j’ai mixé avec mon imaginaire plus « chrétien », pour lui ajouter la queue fourchue par exemple. Ce mélange religieux est d’ailleurs très présent dans les Andes : c’est impressionnant, plaisant et plus joyeux que le christianisme traditionnel !

Comment tu as composé ton personnage principal ?

J’ai un principe assez établi : je ne réfléchi pas à la façon de représenter les personnages. J’ai une envie très puissante de raconter l’histoire et dès que je fais le premier crayonné, c’est le bon personnage !



Tes couleurs sont très fortes dans cet album…

J’ai essayé d’être assez réaliste et conforme à mon ressenti pour Vertiges de Quito. Ici, la couleur raconte autant l’histoire que le dessin. J’ai certaines scènes avec seulement deux couleurs complémentaires pour dire un événement. Le but est qu’on oublie le procédé, mais qu’on garde la sensation que ça donne.


À l’arrivée, on n’a pas les critères du réalisme, mais les ambiances : le soleil très puissant, des couleurs immenses. Je n’y serai pas allé, je n’aurai pas fait comme ça !

Tu as d’autres projets par rapport à cette région du monde ?

Oui mais plus dans ce registre ! Pour XXI, j’ai fait un reportage qui va paraître sur Tiputini, une station scientifique en Amazonie. On y étudie la biodiversité dans ses détails les plus infimes alors que tout autour la forêt se raréfie, les stations pétrolières sont de plus en plus proches. C’est un peu les derniers Mohicans, qui doivent se dépêcher de tout étudier avant que tout disparaisse.

J’ai passé une semaine là-bas, pour faire un truc rigolo. Je pense que dans ce genre de cas, l’humour est plus efficace, car si on en parle avec pesanteur et gravité, c’est déprimant. Je voulais en donner une bonne idée, une atmosphère plaisante même si le propos est inquiétant.

Et j’ai eu une proposition d’adaptation de Houppeland en dessin animé récemment, c’est en cours !


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