Cyril Bonin, l’auteur d’Amorostasia était de passage à Paris pour la Saint Valentin : le rendez-vous idéal pour revenir sur sa série où l’amorostasie fige des gens dès qu’ils sont amoureux. Une curieuse idée qui permet de poser bien plus de questions sur les relations humaines qu’il n’y paraît…
Une série longtemps mûrie
Comment est née cette série ?
L’idée remonte à 1996, au début je voulais traiter du bonheur en général. La maladie devait figer les gens très heureux mais au fur et à mesure, j’ai restreint mon champ d’investigation au sentiment amoureux.
Le processus de création était assez long car j’aime beaucoup les histoires qui ont un cadre historique passé. Je voulais que cette histoire se déroule dans les années folles, où la question de l’émancipation de la femme a beaucoup d’importance ou dans les années 60, avec la libération sexuelle en toile de fond. Mais vu qu’une telle épidémie n’a jamais eu lieu, il fallait à chaque fois trouver un biais pour expliquer pourquoi on n’a en jamais entendu parler et ça faussait un peu l’histoire.

Je suis donc résigné à placer cette histoire dans le présent. Pour le bien de l’histoire finalement, car c’est un thème en résonance avec notre époque. Même si le sentiment amoureux a de tout temps existé et été traité, on a maintenant une manière de l’aborder plus scientifique et plus psychologique. J’ai donc pu mettre en parallèle ces approches-là et une vision plus romanesque de l’amour. Le noir et blanc apporte au présent un côté un peu plus intemporel qui m’a permis de ne pas trop marquer l’époque.
Comment composes-tu tes albums ?
Pour moi, l’écriture est aussi importante que le dessin. J’écris d’abord tout d’abord mon scénario comme une nouvelle, avec une description de tout ce qui se passe à chaque scène. Les détails ne sont pas encore là. Ensuite je fais les dialogues auxquels je porte beaucoup d’attention car ils font vraiment sentir la psychologie des personnages. C’est seulement après que je me mets au dessin.
C’est comme si je bossais avec un autre scénariste puisqu’entre le scénario et le dessin, j’ai pris du recul. Après quand je dessine, je peux faire des petits changements mais 99 % de l’écriture est gardée.
Pourquoi placer cette histoire à Paris ?

Il y a d’autres villes qui ont une aura romantique que j’aurai pu choisir. J’ai aussi pensé à placer l’histoire à Strasbourg car c’est une très jolie ville où j’habite depuis mes études.
Pour choisir Paris, j’ai eu une réflexion par rapport aux films catastrophe américains. Quand il y a une épidémie ou autre, elle commence souvent à New York qui n’est pas la capitale des Etats-Unis mais a une place particulière. La ville qui a cette place en France, pour moi, c’est Paris.
La résistance, les bars discrets ou les visites clandestines du Louvre, t’ont permis de renouer avec des périodes historiques que tu aimes ?

C’est des petits clins d’œil un peu parodiques. La résistance dans Amorostasia est bien une forme de résistance mais dont l’objet n’est pas aussi fort que lors de la Seconde Guerre mondiale par exemple. Il y a bien le côté réseau qui s’organise, avec des mots de codes en lien avec les lieux mais c’est plus léger. Ca correspond au ton que je voulais donner, on a un côté assez tragédie, avec une inquiétude qui n’arrête pas de monter, avec de l’humour : l’ironie l’emporte.
Pourquoi faire des références explicites au présent dans ce deuxième tome ?
Cette histoire se passe au présent ou dans un avenir très très proche, donc j’avais envie d’installer une complicité avec le lecteur avec des petites références, comme à Game of Thrones ou à L’Arnacoeur avec Romain Duris.
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