Une histoire désabusée du Far West
Parfois votre héros, Edmund Fisher, est spectateur du duel entre Theodore Roosevelt, américain, défenseur des minorités mais détestant les Indiens, et le Marquis de Morès français défenseur des Indiens tout en étant fortement antisémite.

Moins connu que Roosevelt,
le Marquis de Morès
Je pense que ça vient de leur passé et de leur éducation. Le Marquis de Morès, qui a vraiment existé, est originaire d’une famille espagnole, très catholique ; son antisémitisme vient d’une influence très profonde. On sent qu’il s’est durci avec ses échecs, c’est son côté navrant.
En même temps c’est un véritable aventurier. On dit que c’est un homme qui n’avait jamais peur de rien : il a plus de 40 duels à son actif dont il sort toujours vainqueur, que cela soit à l’épée, au sabre au pistolet. Il y a moyen de raconter des histoires fabuleuses sur ce personnage arrivé à 23 ans aux Etats-Unis et qui y est encore connu.
Je ne veux pas trop m’avancer sur Theodore Roosevelt, très admiré aux Etats-Unis. C’était un dur à cuire, il ne serait certainement pas arrivé à la Maison Blanche sans ça. Mais peut-être que dans sa jeunesse, il a pensé que les Indiens étaient des mendiants. Chez nous aussi, certains hommes politiques considèrent que les gens du voyage sont des gens instables qu’on ne peut pas vraiment cerner. Les Indiens étaient peut-être les gens du voyage des Etats-Unis.
Mon orphelin croise ces destins.
Edmund Fisher a tout vécu, la guerre, la chasse, le confort et la pauvreté, mais il est aussi présenté comme un homme vieillissant et désabusé.
J’avais envie de montrer cette vie un peu décousue. A l’époque, ces individus faisaient un peu tout : barman deux mois, chasseur de bison pendant une saison, soldat pendant trois ans... Un coup ils étaient shérifs, ils devenaient hors-la-loi l’année suivante. Je dédicace ce bouquin à ces hommes libres.

Edmund est désabusé car c’est la fin du film. Il connaît la fatigue et la tristesse car il a perdu des gens qu’il aimait, mais il a été heureux. Il a essayé d’être agriculteur avec sa première épouse, il est super heureux mais trime. Il n’est pas fait pour ce métier et a envie redevenir chasseur de bisons. Quelques temps après qu’on lui arrache sa famille, il retombe amoureux, l’intolérance lui arrache ça à nouveau. C’est forcément romancé pour qu’il lui arrive beaucoup de choses. J’avais envie que le lecteur se retrouve aussi mélancolique que lui.
Quand je parle avec des vieilles personnes, il y a toujours ce « autrefois c’était mieux, tout fout le camp ». Ca doit venir du fait qu’ils n’ont plus vingt ans, sinon ils auraient toujours l’espoir qui les attend. Edmund a passé la cinquantaine, il a bourlingué. Disons qu’il a un petit coup de mou [rires]. Il y a affectivement une sorte de constat d’échec, mais il n’a pas fini de faire parler de lui.
C’est à dire, un projet de suite ?
Je suis en train de réfléchir à un prochain tome. L’histoire en elle-même se tient mais mon héros a encore des aventures à vivre, des gens à retrouver. Et j’ai encore des choses à dessiner, c’est mon Far West à moi, une envie que j’avais depuis au moins 10 ans.

Quand j’ai écrit mon premier scénario de Gorn, ce n’était pas le fantôme du seigneur d’un château, mais celui d’un officier confédéré qui essayait de retrouver l’amour de sa fiancée. A l’époque, l’éditeur m’a dit que le western était éculé. Du coup, j’ai choisi l’heroic fantasy parce que je détestais ça [rires] mais je me suis pris au jeu et j’ai adoré le faire.
Je n’ai pas envie de mettre de côté Les Chevaliers d’Emeraude que je réalise avec Anne Robillard, je suis actuellement sur le cinquième tome. Je vais alterner un an sur deux, cela va aussi me permettre de cogiter sur le scénario suivant de Buffalo Runner pour éviter la redite.
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