Un vendredi sur deux, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Western , découvrez la planche #36 : Buffalo Bill de René Giffey

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Un peu oublié aujourd’hui, le dessinateur français René Giffey a longtemps été considéré comme le plus grand dessinateur classique de la bande dessinée d’avant-guerre, et salué comme tels par ses pairs.
Né en 1884 à Paris, René Giffey a été étudiant à l’école nationale des arts décoratifs et aux Beaux-arts. Ses premières illustrations paraissent dans la presse à partir de 1900, tandis qu’il expose au Salon des humoristes et réalise des spectacles d’ombres pour des cabarets montmartrois. La Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il est gazé, l’empêche de travailler jusque dans les années 1920. Il se lance alors dans une carrière extrêmement prolifique, qui le voit publier aussi bien des bandes dessinées, que des illustrations pour la presse et les éditeurs bibliophiles, voire même des gags licencieux et des illustrations érotiques. Il meurt en 1965.
Buffalo Bill est la série la plus longue qu’il ait dessinée. Qu’on en juge : elle a paru dans puis L’Intrépide de 1946 à 1960. Pour mener à bien cette entreprise au long cours, René Giffey s’est adjoint le concours de nombreux scénaristes (Maurice Limat, J. Lhérisson, Jean Prado, etc.) Constamment en action, le Buffalo Bill de Giffey n’a que peu de rapport avec le véritable personnage historique, de son vrai nom William Frederick Cody. Giffey et ses scénaristes en font un humaniste respectueux des Indiens et chasseur seulement occasionnel de bisons, ce qui n’a que peu de rapport avec la vie réelle du célèbre cow-boy.
Contraint par son éditeur (les éditions Mondiales) à respecter une mise en page d’une quinzaine de cases par page, contenant toutes du dialogue, Giffey parvient à imposer un rythme en « casant » des scènes d’actions comme celle de cette épisode intitulé « La pierre qui tourne » où Buffalo Bill parvient à rattraper le cheval au galop en sautant dessus.
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Avec cette planche de Buffalo Bill, par René Giffey, nous plongeons au cœur de ces nombreuses séries qui alimentaient les magazines et les quotidiens, captivant un vaste public au gré des épisodes. L’idée était simple, un protagoniste audacieux qui se confronte à des « vilains », qui résout les situations complexes, qui secourt les innocents, le tout dans un cadre typique de western classique. Peu importe s’il s’agit vraiment de Buffalo Bill, ou si son nom est davantage un moyen d'attirer le jeune fan de héros aventuriers. Ce qui prime, comme on peut le constater ici, c'est la puissance du récit et ce rythme effréné qui nous captive, semaine après semaine, mois après mois.
On constate alors que Giffey présente ici une planche particulièrement fluide, avec une action en trois phases. D'un côté, le cavalier Jipy annonce que le héros a disparu, il décrit ensuite un moment où ce dernier l'a assisté dans la gestion d'un cheval, puis évoque la journée suivante. Une narration relativement simple qui nous présente le protagoniste tout en mettant en place une situation dramatique qui se poursuivra dans les chapitres suivants.
Bien que ce genre de planche puisse sembler aujourd'hui sage et légèrement désuète, son caractère « standard » révèle néanmoins des éléments instructifs sur ce qu’était la bande dessinée populaire dans les publications et magazines de l'époque, fréquemment négligée au profit des grands triomphes qui ont marqué l'Histoire.
Des artistes comme Giffey sont aujourd’hui perçus comme de bons artisans qui, même s’ils ne révolutionnaient rien, n’en restaient pas moins des artistes qui connaissaient parfaitement les mécanismes d’une bonne histoire pour tenir en haleine tous ceux qui suivaient les mille et une péripéties de leurs héros favoris.
Il est fascinant de voir cette œuvre se retrouver parmi les grands maîtres, ce qui constitue une manière intéressante de réhabiliter un auteur injustement méconnu, en dépit de son indéniable talent.
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