C'est vendredi, prêt.e à découvrir une nouvelle planche issue de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections ? Cette semaine, on plonge dans la section "Gros nez" et c'est l'occasion de découvrir les personnages de Fix et Foxi, deux renardeaux espiègles. On est en 1956 et ils cherchent… à gagner de l'argent ! Sujet toujours d'actualité, n'est-ce pas ?

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Extraite de Fix und Foxi beim Geldverdienen (« Fix et Foxi gagnent de l'argent »), cette histoire date de 1956, donc au tout début de la série. Elle montre l’énorme influence de l’esthétique disneyienne sur le style graphique des histoires signées par Rolf Kauka.
Rolf Kauka (1917-2000), « le Walt Disney allemand », publie ses premiers dessins dans des titres de la presse allemande en 1934 ; il a alors dix-sept ans. Il étudie ensuite l’économie, combat au sein de l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale et, rendu à la vie civile en 1945, rédige des ouvrages de droit. Fasciné par l’univers de Disney et sa réussite, il se lance au tout début des années 1950 dans la production de dessins animés pour le marché américain. La tentative est un échec, que Kauka transforme en succès en reconvertissant le groupe d’animateurs qu’il a rassemblé en dessinateurs de bande dessinée. Il adapte Till l’espiègle, le classique de l’écrivain belge Charles de Coster (dessiné par Dorul Van der Heide), et quelques autres textes littéraires publiés au sein d’un magazine pour enfants lancé en 1952 et d’abord intitulé Eulenspiegel, comme sa bande vedette.
Dans le numéro 6 apparaissent deux nouveaux personnages, les renardeaux Fix et Foxi, qui remportent très vite un énorme succès, au point que le magazine change de nom en 1955 et devient Fix und Foxi.
Les histoires de Fix et Foxi font l’objet d’une exploitation commerciale qui transforme rapidement Rolf Kauka en éditeur riche et puissant. Dans les années 1970, Kauka réalise son rêve de jeunesse et produit plusieurs dessins animés, dont le long-métrage Maria d'Oro. En 1975, il fonde la Kauka Comic Akademie, une école qui forme de jeunes dessinateurs allemands. Quelques années plus tard, il vend son entreprise et part s’installer aux États-Unis. À la manière de Disney, Kauka signe des bandes dessinées dont il n’est pas le véritable auteur. Au fil des années, il a en effet réuni une importante équipe de scénaristes et de dessinateurs venant d’Allemagne, mais aussi d’Europe de l’Est, d’Espagne, de Grèce et de Belgique, qui travaillent anonymement pour lui.
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Dès le début des années 50, Ralf Kauka créé sa propre maison d’édition, la Kauka Publishing qui va tout de suite fonctionner comme un énorme studio de création, à la façon de Disney avec le patron en maître-d’œuvre qui chapeaute une équipe de plus en plus fournie d’artistes signant du même nom.
En 1956, il est fort probable que ce soit d’ailleurs Dorul van der Heide qui soit aux commandes de cette page. C’est un collaborateur très productif du studio depuis déjà quelques années, on raconte même qu’il pouvait aligner jusqu’à 7/8 planches par jour parfois. Sur cette planche, on peut observer à la fois l’économie de moyen typique de ce type d’histoire qui va à l’essentiel (particulièrement dans la gestion des décors, notamment), complètement au service d’un gag, et l’efficacité du trait souple et extrêmement expressif qui, s’il reste évidemment très influencé par la patte disneyienne, renvoie aussi au style du studio Arnal qui créait une décennie auparavant des personnages comme Placid et Muzo pour Vaillant.
Caractéristique des racines mêlant animation et strips animaliers de la série, cette planche se distingue aussi par son côté atemporel plein de charme qui n’a pas pris une ride.
Pour aller plus loin
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