Attachante, Seccotine a une personnalité affirmée qui permet une réelle rivalité journalistique avec Spirou et surtout Fantasio. Si elle est rivale, c'est qu'elle est leur égale. Elle apparait dans près d’une quinzaine d’histoires longues ou courtes de Spirou et Fantasio.

Seccotine est sans doute l'une des premières héroïnes adultes de la BD franco-belge dite "familiale". Second rôle certes, puisque Spirou et Fantasio sont les héros de la série dans laquelle elle apparait. Héroïne quand même car non seulement elle est récurrente dans la série, mais elle est aussi un des éléments moteurs de l'action. Seccotine n'est pas une femme au foyer, elle a un métier : reporter. Ce qui n'est pas si courant dans la société du début des années 50. La recherche du scoop est l'occasion d'une rivalité avec Spirou et Fantasio. Ce qui énerve passablement ce dernier, lequel tient à l’égard de la jeune femme des propos volontiers misogynes ou du moins paternalistes.
Seccotine sous le pinceau de Franquin
Seccotine apparaît pour la première fois en 1953 dans le tome 6 de Spirou et Fantasio La corne du rhinocéros. Avec sa chevelure blonde attachée en queue de cheval, ses taches de rousseur, son visage rond, ses grands yeux en amande et son petit nez pointu, elle marque d'emblée les lecteurs du journal de Spirou. Avec elle, André Franquin nous offre un personnage piquant, intrépide. Elle travaille au Moustique, nom d’un magazine à succès des éditions Dupuis, créé en 1924, à la tonalité humoristique. Elle mène alors une enquête sur un vol de plans et des sabotages liés à la Turbotraction.
Elle réapparaîtra régulièrement dans les aventures de Spirou, sous la plume de Franquin puis de ses successeurs. On la retrouve en effet dès l’album suivant Le dictateur et le champignon (T7) où elle a un rôle clé pour déjouer les plans de l’infâme général Zantas. Suivent quelques albums sans elle, avant d’exploser dans Le nid des Marsupilamis (T12) en 1956 : Seccotine y vole la vedette à Spirou et Fantasio puisque c'est elle a qui a réussi à faire un reportage dans la forêt palombienne sur un couple de marsupilamis.
Spirou et Fantasio
©Dupuis
Seccotine par les repreneurs de Spirou et Fantasio
Curieusement, elle disparaît après cet épisode mythique. Pour ne réapparaître que 25 ans plus tard sous le pinceau de Janry dans La Voix sans maître, publié dans le journal de Spirou en 1981, puis dans Aventure en Australie (tome 34) en 1983 : elle fait à cette occasion la couverture du journal. On la revoit en 1987 dans Spirou à New-York (tome 39) où elle dame une fois de plus le pion à Fantasio pour un reportage. Enfin, après une longue éclipse, Seccotine apparaît sous des traits plus réalistes dans l’album atypique Machine qui rêve (tome 46), le dernier conçu par Tome et Janry en 1998 ; on y apprend même son prénom, Sophie. Sa relation avec Spirou y apparaît bien plus ambigüe, du fait de la tonalité nettement plus adulte de l’aventure.
Après cette parenthèse, la belle réapparaît sous des traits plus classiques en 2004 dans Paris-sous-Seine (T47), à l’occasion de la reprise de la série par Jean-David Morvan et José Luis Munuera. Lesquels la feront figurer également au casting de Aux sources du Z (T50), épisode surprenant dans lequel Spirou embrasse Seccotine sur les lèvres... mais juste pour se débarrasser d’elle. L’équipe d’auteurs suivante, Fabien Vehlmann et Yoann, utilisera également le personnage pour Dans les griffes de la Vipère (T53). Enfin, on voit Seccotine dans La mort de Spirou, le dernier tome publié à ce jour de la série, marquant la reprise de la série par Benjamin Abitan, Sophie Guerrive et Olivier Schwartz.
Parmi les repreneurs qui ont succédé à Franquin, seul Jean-Claude Fournier n’utilisera pas Seccotine. Il préférera créer sa propre héroïne, la brune Ororéa, beaucoup plus au goût de Fantasio. (Nic Broca et Raoul Cauvin n’ont pas non plus eu recours à Seccotine, mais par contrat, ils n’avaient droit pour leur version de Spirou à aucun personnage secondaire existant.)
Ajoutons que Seccotine apparaît parfois dans la série de one-shots Le Spirou de... Notamment dans Le tombeau des Champignac, récit de Fabrice Tarrin sur un synopsis de Yann. Récit roublard dans lequel Seccotine fait peut-être des galipettes avec Spirou entre deux cases avant de partir en reportage avec un riche Chinois. Rapprochement uniquement suggéré en filigrane, mais qui fut reproché par une partie des lecteurs, estimant que la relation entre le groom et la reporter devait rester chaste, comme dans les aventures de « la grande époque ».
Seccotine a-t-elle fait avancer la cause des héroïnes de BD ?

Les détracteurs pourront dire que Franquin colle à Seccotine (sans jeu de mots) pas mal de défauts, à commencer par son nom qui est celui d'une marque de colle, mais aussi son opportunisme voire son manque de scrupules. Sans oublier le fait qu’elle soit une très mauvaise conductrice. Mais nous retiendrons plutôt son courage, son caractère affirmé, qui ont pu représenter pour les jeunes lectrices de Spirou un modèle pour un parcours de vie ne se résumant pas à être une épouse dépendant du bon vouloir de son mari. Et si professionnellement elle est la rivale de Spirou et Fantasio, elle est indiscutablement dans le camp des gentils face à l’adversité. Elle les aide régulièrement dans leurs enquêtes et aventures et quand il faut, elle conduit très bien, comme lorsqu'elle pilote un bombardier chargé de bombes de Métomol dans Le dictateur et le champignon.
Enfin, si Seccotine ne s’imposait pas, qui lui aurait laissé sa chance, dans une société où les femmes avaient au mieux un poste de secrétaire ? Cela dit, ces propos sont valables pour les années 50. Et 70 ans après sa création, si l’héroïne n’a pas vieilli, le monde dans lequel elle vit a bien changé et une femme journaliste ne surprend heureusement plus personne.
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