Rien de plus terrifiant que les Liens du sang. La preuve dans la série du même nom de Shuzo Oshimi qui atteint déjà son troisième volume chez Ki-oon.
Très productif, l’auteur de l’apprécié Les Fleurs du mal et de Dans l’intimité de Marie s’est lancé, en sus de sa série vampirique un peu molle Happiness, dans l’écriture d’un récit psychologique angoissant qui n’a rien à envier aux maîtres du genre. On y perçoit la folie humaine d’un Dragon Head mélangé à l’angoisse sourde d’un Je suis Shingo dans lequel tout peut basculer à tout moment dans une infinité de situations problématiques.

Et pourtant rien de plus banal, a priori, que cette histoire de puberté d’un jeune adolescent nommé Seiichi qui vit dans un foyer aimant entouré de sa famille, sans grands problèmes extérieurs. Mais alors d’où vient ce malaise, partagé à la fois par le lecteur et par le personnage principal ? Doit-on se méfier de cette mère qui couve son enfant ? L’inquiétude de l’ado est-elle légitime ou fondamentalement exagérée ? Doit-on mettre ça sous le coup de l’évolution émancipatrice du garçon ou est-ce la prise de conscience d’un profond dysfonctionnement ?
Sang et eau
Lecteurs comme protagonistes seront fixés tout au long de ces trois tomes tandis que se révèle pleinement l’ampleur du problème qu’ils pressentaient sourdement. L’auteur n’évacue pas les conséquences des actions des personnages et en fait au contraire le pivot central du récit, démultipliant ainsi la portée intime du récit. Il amène ses réponses avec brio terrible en manipulant les craintes de tous. Pour ce faire, Oshimi joue avec l’ambiance et les personnages mais aussi avec de subtiles modifications de leur environnement et une finesse de leur catalogue d’expressions faciales qui accentue durablement ce doute persistant. L’auteur opère de brusques changements d’intensité qui font du récit de véritables montagnes russes savamment agencées. Avec l’anatomie modulable de ses personnages appuyée sur d’épatantes explosions de textures, l’auteur fait ressortir avec une force inégalée le tumulte sentimental des personnages.
Mon précieux
Les rares interventions extérieures détachées de la source du problème rappellent que le récit n’est pas simplement fascinant mais aussi profondément dérangeant socialement. On y retrouve un auteur qui, ayant déjà commencé à explorer l’étrangeté de la psyché humaine et des relations sociales auparavant, plonge entièrement dans la gestion de la démence, de la dépendance, de la manipulation et de la toxicité. Encore une nouvelle référence de qualité au catalogue de Ki-oon qui, après 15 ans d’existence, ne faiblit pas.
Article en avant-première : retrouvez-le dans le magazine Zoo n°72, en librairie le 9 juillet.