Le 28 janvier 1998 disparaissait Shôtarô Ishinomori, l’une des figures les plus respectées du monde des mangas. Il était temps de lui rendre hommage.
Fort du succès de son précédent livre La révolution Garo, Claude Leblanc se tourne cette fois vers Shôtarô Ishinomori, un auteur qui a su, dès le milieu des années 50, glisser une nouvelle énergie au cœur de la production des mangas, en parallèle du parcours d’Osamu Tezuka, qu’il a longtemps considéré comme son maître.
Petit, mais costaud
Leblanc commence par contextualiser, conscient que le cadre de l’après-guerre et les conditions de vie sous l’occupation américaine ont impacté considérablement une génération de Japonais, dans leur rapport à la réalité, mais aussi à la fiction elle-même. Il s’attarde sur la jeunesse d’Ishinomori, son incroyable précocité et les mille et une tentatives pour faire du manga qui vont l’amener à se faire publier dès ses 15 ans (Manga Shônen, à partir de 1953). On est tout de suite marqué par l’énergie que déploie le jeune garçon à assimiler les codes narratifs propres au médium, sa dialectique et son esthétisme. Il se fait très vite remarquer, ce qui l’amène en 56 à s’installer à Tōkyō avec des amis pour entamer sa carrière de mangaka à un rythme effréné.

Couverture de " Manga Shônen " (1955) © Imho, 2025 - Leblanc
À travers ce parcours, on découvre surtout la réalité professionnelle d’un jeune dessinateur, le fonctionnement en réseau, les studios d’assistants, les exigences des éditeurs et la dynamique éditoriale des années 50/60. Leblanc ne nous sert pas seulement la biographie exhaustive d’un auteur émérite, il nous raconte l’histoire d’une époque et son évolution progressive qui va amener Ishinomori à s’adapter de son côté, se penchant sur l’industrie des animés, des séries télé, variant ses approches, ses styles, ses publics. Tout entre en cohérence par rapport à une vision plus globale.
Encore plus d’Histoire
Dès son texte introductif, Claude Leblanc explique que la bonne réception de son livre sur Garo lui a montré qu’il y avait une vraie attente vis-à-vis de ce genre de proposition patrimoniale, en ce qui concerne les mangas. Aujourd’hui, le matériel analytique est de plus en plus développé, avec une volonté affichée de décoincer le regard du lecteur de la seule nouveauté, d’instruire sur le passé et la nécessité de réhabiliter une histoire pleine de mouvements, d’artistes et d’œuvres essentielles.
Ce livre s’inscrit donc dans une dynamique très intéressante qui tend à démocratiser davantage cette culture du manga en nous expliquant son passé, ses spécificités et le lien qui se tisse avec les mouvements de la société au fil des décennies.
Une lecture essentielle.

Couvertures de " La Nouvelle île au trésor " (1947) et " Shônen King n°51 " (1964) © Imho, 2025 - Leblanc
Article publié dans le Mag ZOO Manga N°17 Janvier - Février 2025