Après Un Général, Nicolas Juncker rempile avec Les Mémoires du dragon Dragon, une fresque dont le héros, cavalier de choc, a un physique avantageux. Mais il est lâche, menteur. Cet antihéros va pourtant chevaucher la gloire lors de la bataille de Valmy en 1792. Des débuts en fanfare sous le crayon élégant de Simon Spruyt.
Il fallait l’inventer ce dragon du nom de Dragon, sabre au clair en pleine Révolution française, à l’aube de Valmy. Mais d’où l’a-t-il sorti Juncker : « Je voulais raconter un récit épique, des aventures décalées. Le héros devait être aussi un antihéros aux défauts impardonnables dont la couardise. Il a en prime une obsession sexuelle débordante. » Il va s’en donner à coeur joie, Dragon. Juncker revisite l’Histoire. « J’ai fait une relecture comique des évènements avec des bases qui s’appuient sur des légendes urbaines. Il en circule autour de la bataille de Valmy, dont le vol du trésor royal pendant la Révolution qui va payer des arrangements avec l’ennemi, Danton, les francs-maçons. » Dragon va y être mêlé, devenir un espion malgré lui et un héros à l’occasion, par le plus grand des hasards.
Le roi de la gaffe
Dragon est un gaffeur ne sachant pas gaffer. Il aurait pu être un personnage de Courteline revu par Feydeau et jouer dans le film Cartouche le rôle de Rochefort. Pour Juncker c’est un compliment. Dragon retombe toujours sur ses pattes. Quand la bataille de Valmy commence, il se retrouve au milieu de magouilles qui le dépassent, mais c’est un opportuniste : « Ce qu’il prévoit ne fonctionne pas, provoque des réactions en chaîne dont il tire profit si possible. Il a pour seul but le sexe et l’argent, confronté à des personnages historiques, et gagne des batailles sans le vouloir. »

Les mémoires du dragon Dragon T.1 Valmy, c'est fini !
© Le Lombard, 2022
Il fallait lui donner du relief à Dragon. Simon Spruyt est arrivé dans l’aventure suggéré par Le Lombard à qui Juncker avait envoyé son scénario « un peu pour rigoler, sans dessinateur en tête. Ils ont aimé. Je connaissais Simon depuis longtemps. Il a voulu sortir de son registre habituel et ça a marché. J’ai écrit une nouvelle de 40 pages avec dialogues et descriptions sans découpage. Simon m’envoyait les storyboards et attaquait ensuite les planches. Il a rajouté des gravures d’époque dans les scènes, des clins d’oeil stylistiques bien vus. »
La farce est tragique, réussie et risque à chaque instant de mal tourner. Dragon n’a aucun sens moral. Il ne recule devant rien. Il fallait qu’il soit attachant. Il a du panache, le bougre. Il est beau et sur un malentendu il peut devenir un héros. Juncker lui a tracé une voie royale voire impériale pour la suite. Dragon est un flambeur iconoclaste, séduisant comme tous les escrocs.
Article publié dans le Mag ZOO N°87 Mai-Juin 2022