Quelque part en pays germanique, Brodeck a survécu aux camps de concentration. Il avait vu le pire, croyait-il, mais c'était sans compter les villageois voisins. La culpabilité de ses voisins sera son enfer sur terre. Accrochés à lui, on plonge dans un univers glacé au noir et blanc marquant de justesse et de dureté.
Brodeck avait enfin retrouvé un semblant d’équilibre. Il vivait dans une cabane un peu à l’écart du village avec sa famille et rédigeait des rapports sur la nature environnante pour une administration lointaine. Pour que tout bascule, il n’a fallut que de son entrée dans la seule auberge du village juste après le massacre d’un étranger. Le voici chargé de disculper un village par un rapport qui expliquerait que ce massacre était inévitable. Porteur malgré lui d’une tâche impossible, Brodeck sera donc au centre de l’attention et des menaces.
Dans la beauté froide et charbonneuse d’une nature prise dans la neige, la trajectoire de Brodeck raconte à la fois l’horreur des camps de travail nazis, la difficulté de survivre à l’horreur et la méfiance d’après-guerre, toujours à pousser au pire... Dans le huis clos de ce village reculé, chaque pas sur la neige, chaque rencontre devient vite source d’angoisse pour Brodeck comme pour le lecteur.
Les noirs rugueux de cette bande dessinée rendent parfaitement l’ambiance délétère du roman de Philippe Claudel. Alors que le romancier jouait de la difficulté de témoigner, Manu Larcenet offre le tableau d’un village englué dans sa culpabilité entouré par une nature grandiose. Les portraits des hommes marqués par la vie en gros plan répondent à paysages grandioses où se dessinent des silhouettes voutées. L’étranger, figure liée aux beaux jours, donne un contrepoint lumineux au présent glacé de Brodeck.
Ce premier volet du Rapport de Brodeck, qui n’a rien à envier à Blast en intensité, est un coup de maître !
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