Jacques Tardi a toujours dit qu’il ne ferait que 10 albums d’Adèle Blanc-Sec. Le tome 9, Le Labyrinthe infernal, est paru en 2007. Le 10e est l’ultime aventure d’Adèle. Pas de reprise possible. Alors on ne boude pas son plaisir. Tout pourrait bien finir où tout a commencé.
Dans l’épisode précédent, le sirop du bon docteur Chou faisait des ravages. Ce n’était pas l’homme à tête de choux, mais à museau de bovidé. Le commissaire Laumanne se transformait en minotaure, la momie d’Adèle revenait pour un congrès. Brindavoine espérait faire fortune avec un antidote contre cette peste bovine. Et tout le monde voulait la peau d’Adèle. Jacques Tardi avoue : « Continuer Adèle m’avait agacé. J’ai eu envie de faire autre chose. J’ai arrêté au 9. Mais il y avait deux soucis. Charles dans ce tome dit à Brindavoine touché par le virus (on est en 2007 ndlr) “Lucien, on trouve la formule, on fait un antidote, on redevient jeune et beau. On fait du fric”. » Une épidémie plus un tordu qui a fabriqué des clones d’Adèle bombes vivantes, bien avant la vague terroriste et la Covid, Tardi a dû rebattre ses cartes et adapter le tout pour ne pas être taxé bêtement d’opportunisme avec le tome 10.
Un album synthèse
Tardi reprend donc Adèle après Élise et les Nouveaux Partisans créé avec Dominique Grange il y a un peu plus d’un an. Cet album synthèse peut se lire seul. «J’espère que le lecteur comprendra. Je lui rappelle où nous en sommes, les tentacules rouges aux Buttes-Chaumont, le bébé enlevé, l’illustrateur traumatisé par l’image du Démon des Glaces ». Tardi rassemble toute son équipe, les bons, les méchants, Adèle, la momie, et replonge à cœur joie dans le feuilleton, sa passion. Il sculpte ses dialogues, lance des piques, ajoute une patinette anachronique et trouve toujours la solution à ses incursions fantastiques. Un monstre par album, c’est sa devise. Il y a même un Superman en puissance, Fiasco. Mais d’où viendra le salut? Suspense oblige, on se tait. Tardi n’avait aucune envie de continuer Adèle après ce tome 10 : « Ce serait interminable. Je pourrais poursuivre les aventures de Brindavoine. Mais sans Adèle ce serait gênant. »

Adèle Blanc-Sec T.10 - Le bébé des Buttes-Chaumont
© Casterman, 2022
Pas de faussaire
Ce bébé enlevé va donner des réponses, montrer que tout est un éternel recommencement. Le dessin a cette puissance évocatrice inégalée associée au talent d’un conteur inspiré. Tardi va-t-il regretter Adèle ? : « Ce n’est pas exclu. Je ne veux pas qu’un faussaire quelconque fasse la suite. » Pour la première fois dans sa vie d’auteur, Tardi n’a pas de projet en vue, quelques idées sans plus. Quand on lit son Bébé des Buttes-Chaumont qui boucle génialement la boucle, on se dit que ce n’est que provisoire, bien sûr.