Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, vit avec ses frères auprès d'une mère odieuse et acerbe qu'ils surnomment Folcoche. En grande partie autobiographique, le roman d'Hervé Bazin fut plusieurs fois adapté au cinéma. Frédéric Rébéna s'empare aujourd'hui de cette œuvre transgénérationnelle pour une première interprétation pleine de sensibilité en bande dessinée.

Vipère au poing

Éditeur : Rue de Sèvres
Scénario : Frédéric RébénaDessin : Frédéric Rébéna
Collection : Hors Collection Dargaud
Prix : 20.00€
- ZOO
5.0
Scénario
5.0
Dessin
5.0
- Lecteurs0 critique
Le synopsis de l'album Vipère au poing
La critique ZOO sur l'album Vipère au poing
Adapter un classique littéraire en bande dessinée demande à la fois justesse et audace. Avec Vipère au poing d’Hervé Bazin, Frédéric Rébéna relève brillamment ce défi, en capturant l’essence d’un récit dur et intime. Son trait expressif et sa narration resserrée offrent une relecture puissante de cette enfance brisée.
Dans les années 1920, Jean et Freddie sont élevés par leur grand-mère paternelle dans le château familial de la Belle-Angerie. À la mort de celle-ci, leurs parents, Jacques et Paule Rezeau, doivent quitter la Chine, où ils étaient expatriés, pour revenir en France et prendre en charge l’éducation de leurs enfants. Les deux garçons se rendent à la gare pour accueillir ces parents qu’ils n’ont pas vus depuis six ans. À leur arrivée, ils découvrent qu’ils ont un petit frère, Marcel. Leur mère se montre distante et hautaine ; seul leur père leur témoigne un peu d’affection. De retour au château, toute la famille ainsi que les domestiques sont rassemblés dans la salle à manger pour entendre les nouvelles règles de vie. Jacques, le père, énonce un emploi du temps strict : la journée commence dès 5 heures par une messe dans la chapelle privée et s’achève vers 21 h 30. L’éducation des enfants est assurée par un abbé résidant sur place. Puis, prétextant devoir s’occuper de sa collection de mouches, le père quitte la pièce, laissant son épouse annoncer ses propres mesures. Paule impose un régime rigoureux : le café au lait du matin est remplacé par de la soupe, les cheveux des enfants seront rasés pour des raisons d’hygiène, et tous les objets de confort — poêles, édredons, oreillers — sont retirés de leur chambre. Elle leur confisque également tous leurs effets personnels. Le temps libre est désormais consacré à l’entretien du parc. Rapidement, les enfants se retrouvent affamés, transis de froid, privés de tout réconfort et d’affection. Ils subissent quotidiennement humiliations, punitions et vexations infligées par leur mère, tandis que leur père, témoin passif, choisit de détourner les yeux pour ne pas entrer en conflit avec elle.
Frédéric Rébéna, déjà auteur de plusieurs biographies (Le Corbusier, Sieg Larson, Mitterrand, Robert Laffont), s’oriente depuis deux albums vers l’adaptation de romans en bande dessinée. Après le très réussi Bonjour tristesse de Françoise Sagan, il s’attaque aujourd’hui à Vipère au poing, célèbre récit semi-autobiographique d’Hervé Bazin.Plongé dans l'œuvre originale, Rébéna en extrait l’essentiel avec finesse. Adapter un roman en BD implique de faire des choix, de recentrer le récit, et de trouver un angle narratif fort. L’auteur choisit ici de se concentrer sur le cœur du roman : les relations complexes entre la mère, le père et leurs fils. Il en saisit parfaitement l’essence, restituant avec justesse la violence psychologique et les dynamiques familiales qui structurent l’intrigue.

" [Rébéna] restitue avec justesse la violence psychologique et les dynamiques familiales qui structurent l’intrigue " © Rue de Sèvres, 2025 - Frédéric Rébéna
Le dessin, quant à lui, renforce cette intensité. Rébéna, également illustrateur pour la presse, la publicité et de nombreux événements culturels — comme des concerts —, impose son style nerveux et expressif. Son trait vif parvient à recréer avec authenticité l’atmosphère du début du XXe siècle, et dresse un portrait précis de cette famille bourgeoise en déclin. La mise en page classique, alliée à une utilisation marquée du noir, installe une ambiance lourde et pesante qui colle parfaitement au récit.
Rébéna nous fait redécouvrir cette histoire archi-connue avec un regard nouveau, porté par un album visuellement puissant et émotionnellement juste. Une réussite remarquable.
