Dans ses yeux

Tanie est malvoyante, lorsqu’on lui propose d’animer une série de conférences autour de l’art moderne, elle y voit l’opportunité de dépasser son handicap en s’investissant dans un projet stimulant. Mais ça n’est pas si simple que ça.

Depuis l’enfance, la vue de Tanie décline petit à petit. Au fil du temps, elle a progressivement appris à dompter chaque geste de son quotidien avec plus ou moins de facilité, refusant de se réfugier systématiquement dans l’assistanat. Son mari, Marc, toujours présent et attentionné, reste malgré tout un soutien important, le complice de tous les moments. Si Tanie et Marc apparaissent ici plus sérieux, plus réalistes que dans Je veux une Harley, on retrouve néanmoins cette savoureuse légèreté dans l’écriture de Cuadrado qui évite habilement l’écueil du pathos trop évident pour mettre en scène un couple qui s’aime, qui parfois se chamaille, mais qui ne se lamente pas devant les difficultés qui se présentent et qu’il faut affronter ensemble. On tombe alors sous le charme de ces gestes de tous les jours, de ce décalage que peut provoquer le handicap de Tanie, les maladresses et les petits trucs que Marc trouve pour faciliter la vie de celle qu’il aime.

Dans ses yeux © Bamboo / Grand angle

Avec cet album, on découvre l’importance des limites qui s’imposent autour de Tanie, à chaque moment quand il faut deviner qui est devant elle, comment lire les notes d’une partition, un texte sur l’écran… Elle ne baisse pas les bras. S’il faut redoubler d’efforts pour compenser, elle se lèvera plus tôt, elle répètera les phrases à apprendre, elle sollicitera davantage Marc qui se pliera à l’exercice sans rechigner. Les défis ne se limitent pas à son champ de vision, mais à cette envie de se dépasser.

Dans ses yeux © Bamboo / Grand angle

Dans ses yeux nous offre une ode généreuse à la volonté qui ne fléchit pas, qui ouvre des horizons.

Article publié dans le mag ZOO N°103 Mars-Avril 2025