Entre Dracula, Casanova et Jean-Baptiste Grenouille, ce voleur d'amour mérite clairement sa place parmi les héros marquants qui allient séduction et malédiction. Corboz prolongé de manière très évocatrice la prose hypnotique de Malka.
Adrian van Gott est un riche New-yorkais à qui tout sourit. Il vient de sauver du suicide Anna, une jeune danseuse, et tous deux tombent amoureux l'un de l'autre. Tout va donc pour le mieux ? Non, car Adrian ne peut pas "consommer" son amour pour Anna sans mettre en péril la vie de celle-ci. Il s'isole et commence à écrire une longue lettre qu'il veut laisser à la jeune femme avant de disparaitre.
Adrian est né à la fin du XVIIIè siècle et sa longévité extraordinaire vient du fait qu'il a le don d'aspirer et se nourrir de l'amour que chaque être humain porte en lui. Amour filial, sentiment amoureux, amour d'une mère, tout est source de sensations particulièrement voluptueuses. On pense parfois au Parfum de Süskind. Ce don est aussi une malédiction : ses victimes se flétrissent, se vident et peuvent mourir si Adrian multiplie les contacts.

Le Voleur d'Amour © Glénat, 2024 - Corboz
Yannick Corboz adapte un roman de Richard Malka, avocat, scénariste et romancier. Et il a été bien inspiré. Son style graphique sensuel convient à merveille à l'univers décrit. Il use d'un trait très libre, cernant à peine ses personnages, réhaussant son dessin d'un travail à l'aquarelle évoquant les sensations ressenties par Adrian dans sa longue vie. Il intègre généreusement dans le récit des textes off issus du roman de Malka. La langue ciselée de l'avocat-écrivain rend à merveille et fait écho au dessin, contribuant à l'ambiance envoûtante tout au long des 180 pages du récit.

" Il use d'un trait très libre, cernant à peine ses personnages, réhaussant son dessin d'un travail à l'aquarelle " © Glénat, 2024 - Corboz
Adrian vit un temps à Venise, ville galante et magique que l'artiste restitue avec talent. Changement d'ambiance avec Constantinople, autre étape notable dans la vie d'Adrian, qui finit par s'établir à Manhattan, là où sont désormais les lieux de pouvoir.
Adrian connait au fil de sa longue vie richesse et servitude, légèreté et dépravation. Mais quel sens a cette vie exacerbée par son pouvoir face à la pureté de l'amour donné et non volé ? Le voleur d'amour est une belle réussite.