Après l’excellent Sur un air de fado, situé en 1968 dans les dernières années de la dictature de Salazar, Nicolas Barral continue d’explorer l’histoire du Portugal avec L’Intranquille Monsieur Pessoa.
Cette fois, bien que l’action de l’album se situe également dans un Portugal rongé par la dictature, le contexte politique est secondaire. Nicolas Barral remonte le temps jusqu’en 1935, soit trois ans après que Salazar soit devenu chef du gouvernement, pour se plonger dans le bouillonnement littéraire portugais de l’entre- deux-guerres. Et ce en focalisant son intrigue sur la vie d’un des plus célèbres hommes de lettres lusitaniens : Fernando Pessoa (1888-1935). Il est vrai que le personnage est assez fascinant. Employé modeste et très introverti, Pessoa participe activement à la vitalité du groupe Orpheu, fer de lance du modernisme littéraire au Portugal. Relativement peu publié de son vivant, il connaît une gloire posthume lorsque ses œuvres inédites, retrouvées chez lui dans une malle, sont éditées au long d’une cinquantaine d’années. Surtout, Pessoa utilise pour signer ses textes un nombre impressionnant de pseudonymes (plus de 70), qui sont autant de personnes fictives à qui il donne vie.

© Nicolas Barral / Dargaud 2024
Mon nom est personne
À travers le personnage d’un jeune journaliste chargé de rédiger la nécrologie de l’écrivain, Nicolas Barral se délecte de conter la vie d’un auteur très surprenant, à l’article de la mort par la faute d’une cirrhose. La description tout en finesse de son monde intérieur, de ses traumatismes juvéniles, de son rapport à la littérature et à ses contemporains, provoque à celles et ceux qui ne les connaissent pas déjà, la furieuse envie de découvrir ses œuvres. À cette évocation se superpose une splendide immersion dans la ville de Lisbonne au cœur de l’entre-deux-guerres. Les rues, places, restaurants, intérieurs lisboètes ou la rédaction du Diário de Lisboa s’animent avec un réalisme et une sensibilité enthousiasmants. Un écrin pour une biographie inspirée. On sort rêveur de cet album, intrigué par la vie de l’auteur du Livre de l’intranquillité, écrivain aux mille vies imaginaires. Un comble pour un homme dont le nomde famille signifie « personne ».
Article publié dans le Mag ZOO N°100 Septembre-Octobre 2024
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