James Matthew Barrie a écrit Peter and Wendy en 1911. Cependant, le personnage est apparu auparavant, dans les pages d’un autre roman, Le petit oiseau blanc, à travers six chapitres de facture plutôt onirique. José Luis Munuera s’intéresse donc à cette première version, bien moins célèbre.
Aujourd’hui, le personnage de Peter Pan est connu de tous, même de ceux qui n’ont jamais lu le livre original. Il suffit de repenser à la version de Disney en 1954, aux multiples adaptations suivantes, voire même aux digressions qui évoquèrent la jeunesse du jeune « héros », sa rencontre avec la fée clochette, les films, les dessins animés… Peter vit à jamais au Pays Imaginaire, combattant le Capitaine Crochet en compagnie des Enfants Oubliés, entraînant avec lui des enfants rêveurs qui l’aident dans son combat quotidien.
Avant les débuts
Néanmoins, bien avant cette version, avant ces rencontres, Peter avait déjà eu quelques étapes de « modelage ». Dans un premier roman paru en 1902, The Little White Bird (Le petit oiseau blanc), plus évanescent dans ses ambiances, Barrie évoque, le temps de 6 chapitres, un jeune garçon qui n’est ni enfant, ni oiseau, un entre-deux… une ombre… le souvenir d’un petit enfant décédé, qui refuse de grandir. Voyant le potentiel qui se dégage de son personnage, Barrie va lui amener un peu plus de profondeur dans une pièce de théâtre, en 1904, Peter Pan : or, The Boy Who Wouldn't Grow Up (Peter Pan, ou le garçon qui ne voulait pas grandir) puis un roman qui revisite à la fois cet univers et la personnalité de Peter, en 1908, Peter and Wendy (Peter Pan).

Peter Pan de Kensington © Dargaud
Les aventures de Peter et Maimie
Il n’est donc pas question, pour Munuera de proposer une énième version des péripéties de Peter et Wendy, mais bel et bien de revenir aux sources, à l’essence même de ce que représente le jeune garçon fait de matière onirique.
Cette fois, il erre dans les jardins de Kensington, il rencontre la petite Maimie Mannering qui ne retrouve plus son père, ni même la sortie pour rentrer chez elle. La fillette lui demande de l’aider à la fois à rentrer chez elle, mais aussi à passer au travers la multitude de petits pièges qui peut se dresser devant elle, maintenant que la nuit est tombée. Néanmoins, le garçon est joueur, le retour de Maimie n’est en rien une priorité, il veut la garder avec lui pour jouer indéfiniment. Elle réussit toutefois à obtenir de la reine des fée la promesse de pouvoir revenir chez elle si elle lui trouve un mystérieux dé à coudre.
Menacés par d’inquiétantes ombres qui veulent capturer cette jeune humaine qu’elles considèrent comme une intruse, obligés de résoudre une épineuse énigme qui doit leur révéler ou est le dé, et l’urgence de tout effectuer avant le levé du jour, Maimie et Peter se lancent alors dans une aventure pleine de rebondissements où ils vont croiser le peuple nocturne et fantasmagorique du parc.
Loin du Pays Imaginaire
José Luis Munuera adapte assez librement le texte initial, lui rajoute de la texture et une cohérence qui permet assez habilement de faire le lien sur ce qui suivra. Cette structure permet donc de nous entraîner dans un récit plutôt haletant qui sort des gros archétypes brassés jusque-là par tous ceux qui se sont frottés au personnage et à son univers. Il confronte le jeune garçon à sa véritable nature, à sa place dans ce monde irréel que seuls les enfants peuvent percevoir. Il n’est donc plus réellement question d’entraîner la jeune Maimie loin derrière les nuages, ni même d’évoquer (on sent très vite que ce sont des rajouts de l’auteur pour donner plus de liant à l’ensemble) de lointains combats… L’idée est surtout d’évoluer dans une sorte de métaphore narrative ou une jeune enfant, perdue dans un parc, rêve de rencontrer tout un peuple en compagnie d’un garçon qui vole, libre de toute contrainte, ne pensant qu’à jouer.
L’écriture est très fine, elle évite les effets trop faciles, tout en se nourrissant de beaux petits clins d’œil à l’histoire de l’Angleterre du début du XXe siècle. Munuera nous livre un magnifique album au langage universel qui pourra très bien plaire aux lecteurs de tout âge, séduits par sa richesse, ses atmosphères à la fois très enlevées, vives ou simplement irréelles.
Un conte qui fait rêver, qui donnerait même envie de replonger dans le livre de J. M. Barrie.
Une merveilleuse surprise, très conseillée.