Popeye Sundays 1930-1933 : c'est la bonne idée qui a germé dans l'esprit de Futuropolis pour fêter ses cinquante ans. L'éditeur a très tôt compris l'intérêt de faire découvrir la création étrangère, notamment américaine. En novembre 2024, pour la première fois, l'intégralité des aventures du marin bagarreur publiées dans les suppléments dominicaux des journaux américains des années 1930 ont été traduites en français et proposées dans un très bel album à l'italienne. Un pari musclé et gonflé.
Popeye est le plus bagarreur des marins du monde. Son amoureuse, Olive Oil, qui en a ras la casquette de tenir la main à un tel chercheur de crosses, semble quand même éprouver quelques sentiments pour ce boxeur de la première heure. Il s'exprime en argot, est capable de se sortir de toutes les situations les plus rocambolesques et épineuses, mais pour mieux se remettre ensuite en difficulté.
Que ce soit en prison, sur un ring, auprès des enfants ou aux côtés d'Olive, Popeye est un matelot certes bagarreur mais au grand cœur : sa violence n'a d'égal que sa générosité. On le retrouve dans des histoires courtes en une page. Ce très beau livre, format à l'italienne et fameuse reliure ronde qui est une des marques de fabrique de Futuropolis, est une première historique : il regroupe, pour la première fois, les traductions françaises en version colorisée parus dans les suppléments des journaux américains du dimanche, au cœur des années 1930.
Popeye Sundays 1930-1933 Les planches du dimanche © Futuropolis
Elzie Cristler Segar, dessinateur américain originaire des bords du Mississippi, commence en 1916 en dessinant les aventures de Charlie Chaplin. Trois ans plus tard, son travail est repéré par Randolph Hearst qui lui commande une création pour la Kings Features Syndicate. Segar, qui signera plus tard avec un cigare pour jouer avec son patronyme, lui propose The Timble Theatre.
Mais au début, il s'agit surtout des aventures d'Olive et Castor Oyl. Le marin aux avants-bras surdimensionnés n'apparaîtra que plus tard et leur créateur mourra prématurément d'une leucémie en 1938. Mais les personnages de Segar, Popeye en tête, continueront de vivre leur vie et de conquérir le monde, jusqu'à leur adaptation en dessin animé.
Derrière le rideau de naïveté, Popeye se révèle être une solide critique de la société américaine des années 1920-1930. A travers son langage de charretier et ses expressions brutes de décoffrage, le dur, le vrai, le tatoué, casquette vissée sur la tête, n'en finit pas de nous surprendre au fil des gags dans lesquels il est mis en scène.
Segar se pose en critique acerbe de la société américaine. Il cultive le terreau de l'absurde arrosé d'un engrais satirique qui passe avant tout par l'humour. On sourit, on rit (parfois jaune) dans ces strips qui mettent en scène une hauteur de vue et d'esprit remarquables pour une bande dessinée née outre-Atlantique il y a plus de cent ans.
Ce recueil est une excellente idée éditoriale (dont Futuropolis a le secret) à double titre. Elle propose aux jeunes générations de découvrir un des piliers historiques du Neuvième art, tout en permettant aux plus vieux de revisiter cette présence graphique de leur enfance. Popeye, c'est un épinard intellectuel. Des strips qui donnent de la force, de l'énergie. Un vestige narratif d'une modernité et d'une diversité étonnantes.