Une pleine lune se lève sur la vallée. Forêts, montagnes et rivières sont désormais drapés d’un éclat nocturne. C’est sous cette lumière d’argent que nous serons témoins de luttes de pouvoir et de liberté opposant une bande de brigands à un sultan tyrannique ! Une aventure qui fera vagabonder le regard du lecteur à l’impalpable frontière qui délimite le rêve du cauchemar.
Si le terme « OVNI » était transposable à la BD en tant qu’ « Objet Visuel Non Identifié », le style graphique de Stanislas Moussé pourrait assurément le revendiquer. L’auteur de la trilogie de La Longue Vie (publié entre 2020 et 2021 aux éditions du Tripode) et de Chaos (publié en 2018 chez Super Loto) est assurément un auteur à découvrir pour son style muet. Car Pleine Lune ne fait pas exception au parti pris de l’auteur : le récit est purement visuel et séquentiel. L’action est ici seul monarque !

Pleine lune © Le Tripode
Stanislas Moussé aime les récits de peuple. S’ils diffèrent en apparence des hommes, il n’en est rien sur leur comportement. Violents, décadents et jamais loin d’une prouesse aussi héroïque que barbare… le comportement des étranges cyclopes que nous suivons dans Pleine Lune est finalement ce qu’il y a de plus familier dans ce récit. Car le reste est très dépaysant ! Les forêts touffues, les monstres et les ciels étoilés… tout est très onirique, à mi-chemin entre un cauchemar et un rêve absurde. Je pense notamment à l’entrevue d’un général avec son sultan en plein repas : rarement une bouche en pleine mastication ne m’aura paru aussi terrifiante. Le style graphique est à la fois surchargé de détails, mais parfaitement lisible. Les scènes de bataille ne sont pas en reste : elles sont à la fois dynamiques et haletantes. Stanislas Moussé fait preuve d’un talent remarquable en termes de montage séquentiel et de composition graphique. Un gag peut faire suite à une horreur des plus inimaginables et un drame peut succéder à une séquence de vie d’une grande banalité. Les transitions sont brusques, parfois intuitives, parfois surprenantes mais toujours aussi contrastées que le blanc l’est au noir… Bref, à l’image du graphisme.
Humour, peur, dégoût, suspens, adrénaline et curiosité… Par la seule force du dessin et de ses détails, l’auteur souffle le chaud et le froid de toutes ces émotions. Pleine Lune a des allures de livre pour enfant mais pour public (très) averti. C’est à se demander si les plus belles histoires ont vraiment besoin de mots pour être contées.