Idéal

Île de Kino, pays du soleil levant, au XXII-ième siècle. Edo est un Japonais en plein doute. Il n’a pas fait le deuil de son père, ancien dirigeant politique. De plus, l’amour qu’il porte à sa compagne Hélène s’effrite. Cette dernière est une pianiste émérite, française de son état, qui a perdu sa dextérité depuis un accident de voiture. Enfin Oshi est leur servante. Veuve, elle cumule les emplois pour subvenir à ses besoins. L’arrivée dans le foyer d’une androïde sensée répondre aux problèmes de la musicienne va au contraire révéler les failles de chacun... Première Bande Dessinée et coup de maitre pour le duo Baptiste Chaubard et Thomas Hayman.

Zen, soyons zen

Il n’est pas utile d’en savoir beaucoup plus sur l’île nippone pour plonger corps et âme dans la mer du Japon. Idéal est un roman graphique qui prend le temps. Le temps de présenter ses personnages, de planter son décor, d’appréhender le contexte politique et culturel de son récit. Plus de la moitié de l’album contient des planches muettes composées de quelques grandes cases. Tout invite à la contemplation ; que ce soit dans les déambulations des protagonistes au sein de leur sublime demeure à l’architecture géométrique ou dans les somptueux paysages dignes de cartes postales. On relèvera en particulier une montagne dont la présence parsème le livre à tel point qu’on serait tenté de lui conférer un rôle tutélaire, voire quasi divin. Le lecteur méticuleux pourra s’amuser à compter son nombre d’apparitions. Elle se monte à 36 occurrences sous différentes formes (photographie, peinture, reflet…). Comment ne pas penser alors aux 36 vues du mont Fuji du peintre Hokusai ? Mais le maitre de l’estampe n’est pas le seul artiste convoqué. Autre figure récurrente, le bassin d’eau en bord de villa évoque également David Hockney. De plus l’application par touches de couleurs numériques à la manière des pointillistes donne de la matière à l'environnement.

Toutefois, si le temps qui passe semble avoir peu d’impact sur la nature qui nous entoure, il en va autrement des corps, du couple et de la société. Avec un simple élément d’anticipation – le robot – introduit assez tardivement dans la narration, le scénariste questionne d’une part le rapport homme/femme et d’autre part celui entre tradition et modernité.

Lecture fluide et agréable, questionnement philosophique, édition soignée avec son grand format et son dos toilé, on a peut-être trouvé la BD idéale de cette rentrée littéraire.