Elizabeth Holleville s’empare des codes du teen-movie et du film d’horreur des années 70 et 80. Cela donne un roman graphique réjouissant, politique et touchant, qui déborde de vitalité et d’inventivité.
Sa mère décédée d’un cancer, Nour déménage à Morterre avec son frère et son père. À l’instar de bien des habitants, ce dernier est embauché à l’Agemma, une entreprise qui extrait du minerai radioactif des mines situées sur ses terres. Nour sympathise avec Camille et Jonas, deux camarades de classe fans de films d’horreur. Ensemble, ils explorent la ville et ses environs. Ils auraient sans doute mieux fait de rester chez eux…

Immonde !
© Glénat, éditions 2022
Inventer des formes
Immonde ! parle d’adolescence, de deuil, de découverte de la sexualité, du monde du travail, d’une entreprise qui effectue ses activités sans rencontrer de limite et passe sous silence ses dérapages, d’êtres dont le corps se transforme, de créatures paraissant venues d’un autre âge…
Elizabeth Holleville conçoit un récit varié, extrêmement riche et dense où tout s’enchaîne de manière limpide. Elle utilise à merveille les outils et éléments qu’elle convoque : couleurs surprenantes (roses, violets, verts…), reprise d’un cadre en en variant l’échelle, angles de prise de vue qui écrasent…

Immonde !
© Glénat, éditions 2022
Quant aux décors, ils font coexister petite ville et campagne boisée, habitations pavillonnaires et usine. À la lecture de ces pages, il est difficile de ne pas songer aux films de Joe Dante, David Cronenberg, David Lynch et même de Hayao Miyazaki ou à des bandes dessinées de Charles Burns et de Ludovic Debeurme. Mais l’autrice dépasse ces références et conçoit un univers et une aventure bien à elle.
Connaissant manifestement à la perfection les codes de l’étrange et de l’horreur, comme l’effroi et la poésie qu’ils peuvent susciter, elle élabore en quelque sorte un répertoire de formes (de vie, visuelles), tant ses créatures sont à la croisée des bestiaires existants, mythologiques ou artistiques. L’un des partis pris, largement gagné, consiste à jouer jusqu’au bout la carte du récit de genre. Ce roman graphique, épatant et réjouissant, trouble, amuse, inquiète… et captive du début à la fin.