Kathryn est une jeune femme moderne des années 30, apportant livres et lecture à la population déshéritée peuplant les Appalaches. Trois frères veulent la tuer. Un tableau saisissant à l’aquarelle de la lutte pour sa survie.
L’existence des book ladies, bibliothécaires ambulantes en milieu rural, est une action peu connue du New Deal de Roosevelt. Kathryn, l’une d’entre elles, apporte un peu de culture et de lien social à une population isolée dans les montagnes du Kentucky. L’Amérique étant alors en pleine Great Depression. Entre illettrisme, travail à la mine et trafics en tout genre, c’est à des gens rudes que s’adresse Kathryn, mais elle croit en sa mission. Même si son père lui répète qu’elle ferait mieux de trouver un mari. elle fait souvent elle-même la lecture aux personnes illettrées, telle la mère des trois frères Trivette récemment sortis de prison. Ils vont décider d’éliminer la book lady, témoin d’une scène qu’elle n’aurait pas dû voir...
L’histoire se situe dans les années 30, mais l’ambiance fait western. La scénariste Séverine Gauthier est d’ailleurs plutôt calée sur l’Amérique du Nord : la thèse de cette historienne de formation portait sur les Amérindiens. Pas d’Indiens ici, mais la confrontation de la violence et de l’éducation. L’autrice a bien su traduire la misère humaine que combat Kathryn, un ange porté par un idéal. Le récit est finalement davantage porté par l’action que par les mots. A voir si la lumière que la book lady apporte peut triompher.

Cutshin Creek
© Passés composés, 2022
L’usage de l’aquarelle par Benoît Blary contribue à la singularité du récit. A l’aise dans ce décor de forêts et de cabanes, le dessinateur campe des personnages parfois mal dégrossis, parmi lesquels surnage le plus jeune des trois frères, au visage d’ange, qui semble ne pas avoir encore choisi entre le Bien et le Mal. Quelques maladresses sont contrebalancées par les choix de couleur qui brouillent les cartes, nuisant parfois à la lisibilité mais renforçant l’atmosphère. Une approche finalement assez impressionniste qui convainc.
Entrer dans l’histoire peut demander un effort de prime abord, mais le voyage en vaut la peine.