La Ville qui tuait les femmes
Nathalie Sergeef et Corentin Rouge ont créé un thriller dans Juarez, la « capitale mondiale du crime ». Dans leur one-shot,
12 juin 2015
-Interview
Éditeur : Glénat BD
Scénario : Caryl Férey, Corentin Rouge
Collection : 24x32
Prix : 25.00€
Scénario
Dessin
La rencontre de la plume affutée de Caryl Férey et du dessin réaliste de Corentin Rouge. En Afrique du Sud, une vingtaine d'années après l'Apartheid, les cicatrices laissées par l'ancien système peinent à se refermer. Le racisme n'est plus institutionalisé mais les inégalités toujours présentes et la population divisée entre les propriétaires blancs et les ouvriers noirs. Dans ce contexte, Sam est retrouvé mort sur les terres de la ferme des Pienaar, ses employeurs. Le lieutenant Shepperd - esprit léger, avisé autant que séducteur et tête brûlée - est chargé de saisir les enjeux qui auront mené au drame. L'enquête s'alourdit bientôt d'éléments disparates : conflits et secrets familiaux, recours à la sorcellerie, disparition d'un bambin dans le voisinage... Tandis que Shane Shepperd lutte tant bien que mal contre les silences et les mensonges de ses interlocuteurs, en toile de fond, le parlement est le théâtre d'oppositions rongeant la nation...
Une histoire intelligente et musclée dans l’Afrique du Sud post-Apartheid. Le poids du passé est omniprésent dans ce récit aux faux-airs de polar. Une passionnante BD sur la société sud-africaine actuelle, brillamment dessinée.
Un des ouvriers de la plantation des Pienaar, une famille afrikaaner, est retrouvé assassiné dans un champ. Une affaire compliquée pour Shane Shepperd, policier chargé de l’enquête. Le mort n’est pas un employé ordinaire et il faut chercher 20 ans en arrière, avant la fin de l’Apartheid, pour comprendre les racines de cette histoire jusqu’à ses développements les plus récents, incluant viol, Sida ou animisme.
Et le scénariste Caryl Ferey, qui connait très bien l’Afrique du Sud, rend explosif ce fait divers, dans le contexte politique : une loi devant permettre de mieux répartir les terres entre blancs et noirs est discutée au Parlement de Cape Town. Radicaux noirs et blancs sont virulents contre ce projet qui se veut conciliateur. Pour corser le tout, Amy la (très jolie) fille de Mark Savela, homme politique intègre chargé de faire voter cette loi, est la maîtresse de son patron, qui est par ailleurs le leader de l’extrême-droite au Parlement.
Sangoma, les Damnés de Cape Town
© Glénat, éditions 2022
La personnalité qu’a donné Ferey à Shane est également savoureuse. Le scénariste le décrit comme « un bad boy au cœur d’artichaut dépecé », « un esthète du désastre ». Il est de plus l’amant d’Amy, ce qui permet de mieux lier les séquences sur l’enquête à celles sur le contexte politique.
Corentin Rouge est un grand. Son dessin de facture en apparence classique, dans le meilleur sens du terme (on pense à Jean Giraud, à Christian Rossi, à François Boucq et bien sûr à son père Michel Rouge), est aussi très moderne dans sa composition. On en prend plein la vue, que l’on soit au milieu des plantations, dans un ghetto ou dans une simple confrontation entre deux personnages. Rouge a été mis en contact avec Ferey par son éditeur car il voulait dessiner une BD se passant en Afrique du Sud. Bien lui en a pris. Le duo fonctionne pleinement.
Une jolie claque, Sangoma les damnés de Cape Town. Et cela fait plaisir de lire une histoire qui évite les écueils du manichéisme.