Quelle mouche a piqué Antoine de Tounens, Gascon de naissance, pour le faire quitter sa famille et partir aux confins du monde, en Patagonie ? Persuadé d’être né pour devenir souverain des Mapuches, une lointaine peuplade du sud de l’Amérique du Sud, le Périgourdin ne reculera devant aucun obstacle pour parvenir à ses fins.
Improbable.
Voilà comment définir le destin d’Antoine de Tounens, un Périgourdin parti pour la Patagonie en 1858. Persuadé qu’un destin de souverain l’y appelle pour unifier le lointain peuple des Mapuches contre le gouvernement chilien, le Gascon abandonne sa terre natale et une vie bien rangée pour se perdre dans les contrées les plus lointaines du nouveau monde. Est-il fou ? Visionnaire ? Mégalomane ? La somme de tout cela ?
Le plus étonnant dans cette histoire réside dans la réussite du Gascon à se faire accepter par les Mapuches. Faisant preuve d’autant d’orgueil que d’humilité, Antoine de Tounens se révèle très lucide sur la condition de ce peuple et son mode de vie. Le chef de la tribu va voir chez ce Gascon un chef de guerre sagace et salutaire pour leur cause. Là commence le règne du curieux monarque… ainsi qu’une succession de désillusions.

Le Gascon abandonne sa terre natale pour se perdre dans les contrées du nouveau monde
© La boîte à bulles, éditions 2021
Difficile de ne pas penser au personnage de Don Quichotte en lisant cette aventure. Les auteurs d’Un Amour de Stradivarius ont su voir chez Antoine de Tounens un personnage ambivalent. A la fois mystique et rationnel, fantasque et lucide… le Gascon aborde la Patagonie et le peuple Mapuche avec émerveillement et méthode. Le texte de Fabien Tillon fait habilement transparaître cette ambivalence, aussi bien dans les dialogues d’exposition que dans les délires métaphysiques de son personnage.
Les aquarelles de Gaël Remise appuient l’allure onirique de cette improbable odyssée. Un florilège de couleurs drape les paysages glacés et montagneux de la Patagonie. Antoine de Tounens arpente-t-il cette terre ou est-elle rêvée ? Le graphisme donne au périple une dimension hallucinée, à l’image de l’esprit fantasque du Gascon… revenu faire corps avec la nature la plus primitive. Il est cependant dommage que la beauté des couleurs ne se retrouve pas dans les traits des personnages.

Le graphisme donne au périple une dimension hallucinée, à l’image de l’esprit du Gascon
© La boîte à bulles, éditions 2021
Les dernières pages de l’album parlent plus posément de l’homme qu’était Antoine de Tounens et du travail de documentation des auteurs. Une annexe bienvenue pour rendre compte de l’improbable véracité de ce destin.
Roi du Vent raconte un curieux voyage. Celui d’un homme parti vivre un rêve plus grand que lui-même.