Chroniques américaines

Presque deux décennies nous séparent du monumental Jimmy Corrigan qui a littéralement consacré Chris Ware comme l’un des grands maîtres de la bande dessinée internationale moderne. Il revient chez Delcourt avec Rusty Brown, un pavé qui ne laisse déjà personne indifférent !

Si vous faites partie des inconditionnels de Chris Ware, que vous avez épluché attentivement chaque couche de son immense Building Stories, que vous admirez ses impressionnantes mises en pages qui jouent audacieusement avec le sens de lecture, vous attendez certainement avec impatience ce nouveau volume qui présente cette fois plusieurs personnages : le jeune Rusty Brown, son père Woody, Jordan Lint et Joanna Cole.

Le quotidien au fil du temps qui passe 

Nous retrouvons ainsi le matériel figurant dans les Acme Novelty Library 16, 17, 19 et 20 avec environ une centaine de pages inédites ! Comme à son habitude, Ware se penche sur les méandres psychiques de ces différents protagonistes explorant leurs doutes, leurs hésitations, leurs relations avec les autres, les moqueries ou les incompréhensions qui rythment leur quotidien au fil du temps qui passe ! Néanmoins, il est surtout question de barrière intergénérationnelle, une incommunicabilité presque maladive qui se dresse immanquablement entre père et fille, entre mari et femme…

Comment affronter le temps, cette famille que l’on s’est constituée, qui s’éloigne, qui s’étiole ? Chris Ware n’apporte pas de réponse, il ne juge pas, il observe froidement ces marginaux en s’attachant aux petits détails incongrus comme cette figurine de Supergirl que Rusty traîne partout, ou encore les histoires de science-fiction existentielle qu’écrit Woody ! Une très impressionnante démonstration tout en virtuosité !

Article publié dans le Mag ZOO N°78 Nov-Déc 2020