
Les 20 BD à lire cet été
Que lire cet été ? Réponse grâce à l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée qui a sélectionné 20 titres dans les parutions de novembre 2016 et à juin 2017 ! Piochez
3 juillet 2017
-Actualité
Éditeur : Casterman
Scénario : Jules StromboniDessin : Jules Stromboni
Genres : Fantastique
Public : À partir de 16 ans
Prix : 29.00€
Scénario
Dessin
En Corse, on nomme MAZZERU l'homme ou la femme qui part chasser dans son sommeil, l'arme à la main. De ses songes, il rapporte une prédiction. Dans la gueule de la bête q'uil a tuée ou blessée, la mazzera ou le mazzeru reconnaît une personne de son entourage qui subira le même sort dans l'année. Victimes de leur don, les mazzeri annoncent malgré eux un événement funeste contre lequel il est déconseillé d'agir...
Dans un village corse enseveli sous les traditions, un jeune mazzeru se réveille. De son rêve, il ramène un cadavre, celui de la personne qu’il a chassée en songe et qui mourra dans l'année. De la fin du XIXe siècle dans les montagnes corses, Stromboli tire un album puissant et exigeant, où la noirceur habite autant le dessin que le récit.
Si Mazzeru est bien une BD, son texte a la forme de poèmes distincts et son dessin emplit les cases de tableaux charbonneux quand il n’étale pas les chasses rêvées du héros sur des pleines pages. Dans ce cadre grandiose se déroule un thriller, où les superstitions et la dureté d’une vie rurale ont autant de poids que le souffle épique de traques et le tableau d’une époque qui s'éteint.
Les 160 pages de Mazzeru enferment une immense gifle graphique qui prend corps autour d’un récit qui mêle cadavres mystérieux, amour contrarié et beauté des paysages. Le héros et son statut de mazzeru effraient autant qu’ils fascinent. Et les grandes scènes de chasse nocturnes marquent par leur contraste avec les pages de garde de chaque chapitre, composées comme un notice botanique qui annonce en creux l’action à venir.
Davantage encore que dans la composition formelle du récit, Jules Stromboni excelle dans ce portrait en noir d’une époque révolue de l’Île de Beauté. Si son trait esquisse certains visages, il prend tout sa mesure dans les scènes de violence, de chasse et de fuite en pleine nature. L’innocence qui se transforme en peur puis la sauvagerie se lisent parfaitement au fil des pages, qu’il a gravées au clou avant de les encrer. Une technique qui leur donne une profondeur âpre et entêtante.
Mazzeru est de ces albums hors normes, qu’on relira avec délectation.