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L’amour comme résistance

Avec Collaboration horizontale, Navie et Carole Maurel mettent en lumière les héroïnes du quotidien pendant la Seconde Guerre mondiale et nous offrent une BD au scénario aussi touchant que les illustrations sont inspirées. Retour sur une collaboration idéale.

Pas plus héroïque qu’une autre

Comment est né le projet Collaboration horizontale ?

Navie : J'ai fait des études en Histoire des fascismes et un mémoire sur la collaboration horizontale. Notre éditrice m'a demandé d'écrire sur ce sujet, sachant qu'il fait partie aussi de mon histoire personnelle. Elle m'a proposé plusieurs dessinateurs et j'ai décidé que ce serait Carole et personne d'autre ! Quitte à l'attendre...


Carole Maurel : J'ai été approchée pour L'apocalypse selon Magda en même temps et je ne pouvais pas faire de choix entre les deux. Chacun avait du potentiel pour me faire explorer de nouveaux univers graphiques. Dans Collaboration horizontale, certaines planches sont plus symboliques. Comme pour ce personnage aveugle, pour lequel j'ai essayé de retranscrire graphiquement le bruit, ce qui n'est pas évident ! Il y a eu beaucoup de prises de risques.

Chaque personnage est l'occasion d'aborder des thèmes féministes : les femmes humiliées à la libération bien sûr, mais aussi la violence conjugale, l'homosexualité, la prostitution...

Navie : J'aime l'idée d'être dans un féminisme bienveillant, dans l'éducation. Pour faire passer certaines idées, il faut provoquer l'empathie. Présenter des destins de femmes très différents permet que, homme ou femme, on puisse être en phase avec elles. La guerre hors front, c'est une histoire de femmes principalement. Elles contrôlaient la vie quotidienne, les hommes étant au front. Souvent, quand on parle de la guerre hors front, on parle des résistants. Moi je voulais parler de la guerre de madame Michu, qui doit gérer ses gosses et le reste toute seule, des oubliés, des gens du quotidien, pas de personnages héroïques. Un peu dans l'idée du Combat ordinaire de Larcenet.

Carole Maurel : Et le propos n'est pas manichéen, il n'y a pas de jugement porté sur les personnages. C'est ce qui m'a plu dans le scénario.

Navie : Notre but, c'était qu'on puisse se dire : « J'aurais pu être n'importe laquelle de ces femmes, je ne suis pas plus héroïque qu'une autre. » On a essayé de nuancer les qualités des unes et des autres. Andrée, la gardienne d'immeuble peu sympathique, est une femme qui prend tout en main : pas étonnant qu'elle devienne finalement une actrice de la résistance !


Carole Maurel : C'est plusieurs visions du féminisme : Simone est à l'avant-garde, elle se pose des questions sur le droit de vote... D'autres apprennent à devenir féministes presque malgré elles. Rose ne se pose pas ces questions, elle n'est pas du tout dans le militantisme. Mais ce choix de suivre un Allemand, c'est dire : « J'ai envie d’être libre de mon corps et de faire l'amour. » C'est aussi une forme de résistance.

Navie : J'ai fait des études d'Histoire parce que c'est important d'apprendre comment on en est arrivé là aujourd'hui, quel que soit le sujet abordé. L'homosexualité, les femmes battues, ça ne date pas d'hier, mais c'est toujours d'actualité...


Vous vous êtes inspirées de personnages réels ?

Carole Maurel : Pour le dessin, le petit Lulu a exactement la même tête que Lucien, le petit garçon de Navie ! Pour Mark, j'ai eu du mal à le cerner au départ. Il fallait qu'il soit beau, mais pas trop non plus, attachant, avec des petits défauts. Je ne sais pas si les lecteurs voient la référence, parce qu'il est blond avec des yeux clairs dans la BD, mais je me suis inspirée de Pierre Niney. C'est le genre de garçon qui a un physique un peu atypique et du charisme en même temps. Pour Joséphine, la femme à la beauté triste, emprisonnée par le désir qu'elle suscite, c'est Marilyn Monroe. Ça lui donne presque un côté anachronique d'ailleurs, finalement elle est avant-gardiste elle aussi.


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