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Rêveurs lunaires, l'art de la science

Cédric Villani et Edmond Baudoin auraient pu ne jamais se rencontrer sans Les Rêveurs lunaires. L’un mathématicien, l’autre dessinateur, ils abordent leur passion avec ce petit grain de folie qui les mène à emprunter de nouveaux chemins chaque jour. Passionnés, talentueux et curieux, ils signent ensemble un album profondément humain nous montrant à quel point, une fois liés, l’art et les sciences font des merveilles.

De l’importance des mathématiques

Comment est né ce projet ?

Cédric Villani : En 2012 c’était le centenaire d’Alan Turing. En discutant avec Marc Monticelli, grand amateur de bande dessinée et spécialiste de Turing, je lui ai dit : « Imagine Turing par Baudoin ». Il me répond qu’Edmond Baudoin est un ami de son père et qu’il va nous présenter. Entre le moment où j’ai eu cette conversation et celui où je l’ai rencontré, un projet plus ambitieux s’était dessiné.

Quand j’ai rencontré Edmond pour la première fois j’avais déjà en tête la structure globale et une première ébauche du script. En lui expliquant mon scénario je me sentais très vulnérable. Il était à la fois perplexe et charmé mais avait toujours ce grand sourire bienveillant. Et il m’a dit « D’accord on va faire ça » !

Pourquoi avoir pensé à Edmond Baudoin ?

Cédric Villani : Je voulais quelque chose qui s’attache beaucoup aux états d’âme, avec un trait profond capable d’exprimer beaucoup d’émotions. Avec Edmond dont le côté humaniste me plait beaucoup, on raconte des histoires pleines d’émotions. Quand il met en scène, il ne juge jamais les personnages.

Pourquoi avoir choisi trois personnages ?

Cédric Villani : Turing parce que c’était le centenaire et un personnage capital dans l’histoire du XXe siècle. Heisenberg est arrivé quand on m’a parlé de Farm Hall, où des scientifiques allemands retenus en Angleterre ont appris l’utilisation de la première bombe atomique. J’y ai vu des éléments très violents et comme je voulais représenter Turing au moment de son suicide j’ai pensé qu’on pouvait mettre les deux histoires en rapport.

Ensuite j’ai pensé à Szilard qui avait joué un rôle capital dans l’ombre. Il a une vie de roman : il a développé la bombe atomique puis l’a reniée et a passé la fin de sa vie à faire en sorte qu’elle ne soit jamais utilisée. On avait trois moments intenses où les personnages étaient face à leur destin.

Mais on est en train de parler de guerre sans soldat. Je voulais un militaire très original qui a rempli un rôle confidentiel, a été maltraité par la hiérarchie et la société, a vécu un épisode émotif très important. Dowding remplissait tous les critères. J’ai vu ça comme un signe : j’avais mon casting bouclé.

Comment vous êtes-vous documentés ?

Cédric Villani : J’ai lu des milliers et des milliers de pages. Tout ce qu’on peut lire sur le net ce n’est pas grand-chose à côté de ce que peut nous apporter une biographie fouillée avec son lot d’ambiance et de détails qui rendent les choses vivantes. Dans ces histoires, la réalité dépasse la fiction. Aucun scénariste ne peut imaginer des choses aussi alambiquées et tortueuses que celles-ci.

Vous avez une approche du sujet très philosophique.

Cédric Villani : Ce n’est pas un ouvrage de vulgarisation au sens où on ne rentre pas dans les détails des inventions. On s’intéresse au rôle de la science dans les événements historiques, les liens entre les Hommes. Expliquer que les sciences ont joué un rôle fondamental dans l’Histoire est important pour que les gens comprennent que la science n’est pas un truc à part mais dans notre monde. On parle aussi beaucoup des états d’âme et conflits intérieurs de chacun.

Edmond Baudoin : Oui c’était vraiment des Hommes... Une fois le livre fini, Cédric a appris que Szilard avait été très amoureux d’une Allemande dans les années 20, partie en Inde. Il voulait la suivre. Si ça avait été le cas, la bombe atomique aurait existé mais pas de cette manière-là.

Cédric Villani : Les hommes sont très imprédictibles ! Ces quatre personnages ont également en commun d’avoir été écartés après leurs travaux.

Edmond Baudoin : Dowding a été rejeté par l’autorité militaire anglaise. Quant à Turing, il s’est suicidé. Szilard était considéré comme ennemi étranger par le gouvernement américain.

Cédric Villani : Dans des périodes difficiles, la société est très prompte à rejeter les personnes. Il n’y a pas de reconnaissance.


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