Pendant la guerre de 14, on les appelait les As. Pour avoir ce titre, ils devaient abattre au moins cinq avions ennemis en combat aérien. Charles Nungesser a été l’un d’eux. Personnage atypique, grand gamin jamais satisfait, il voudra aussi, assoiffé de gloire, vaincre l’Atlantique avec Coli en mai 1927. Sur l’Oiseau Blanc, ils partiront pour un raid improbable et personne ne les reverra. Fred Bernard et Aseyn au dessin se sont emparés du destin de Nungesser, un Petit Prince tourmenté à l’âme de Peter Pan, et signent un album de haut vol.
Le flamboyant aviateur
Pourquoi avoir choisi Nungesser ? Pourquoi pas un autre pilote de 14, Fonck, Guynemer ?
Fred Bernard : C’est une idée de Didier Borg chez Casterman qui avait un vif intérêt pour Nungesser. Il m’en a parlé et m’a donné carte blanche. Je connaissais l’histoire de l’Oiseau Blanc mais pas vraiment plus. Comme je ne pouvais pas écrire le scénario et dessiner, on a cherché un dessinateur. Enfin, Fonck ou Guynemer mort pendant la guerre n’avaient pas un profil aussi extravagant. Mais soyons clair, ce livre n’est pas une BD aéronautique.

C’est donc vous Aseyn qui avait été choisi pour le dessin ?
Aseyn : Oui mais pas de suite. J’ai fait des essais et Fred a aimé. Je me suis complètement investi dans ce projet complexe qui n’autorisait pas d’erreurs ni d’anachronismes. J’ai été très pointilleux. Il fallait que l’ambiance, les avions soient crédibles, même si je ne savais pas grand-chose de Nungesser. J’ai eu une grande liberté de dessin.
Vous avez écrit une biographie que vous qualifiez de hagiographique.
Fred Bernard : Oui car j’ai embelli des passages de sa vie dont on n’a pas tous les détails. On connaît bien sa carrière militaire mais avant 1914, il part très jeune en Amérique du Sud. Il est boxeur, apprend tout seul à piloter, monte des affaires qui font faillite. Et puis après un début de guerre dans la cavalerie, il passe dans l’aviation et finira avec plus d’une quarantaine d’avions abattus. J’ai eu accès à certains de ses courriers personnels malheureusement dispersés.

Aseyn : Nungesser était tout fou, voulant toujours peser sur son destin. Il a été blessé souvent, gravement. Il n’a jamais voulu être endormi pendant les opérations. Finalement il correspond bien à un personnage de BD, fantasque et aventurier. Je l’ai un peu transformé par rapport aux photos d’époque, rendu plus juvénile.
Pendant quatre ans de guerre, il se forge une armure de héros des airs ?
Fred Bernard : Comme les autres pilotes, il fait partie d’une aristocratie, aimée, choyée par les Poilus comme par les civils. S’ils tombent les uns après les autres, Nungesser survit à la guerre. Il se retrouve perdu en temps de paix. Il part aux USA, travaille dans un cirque aérien, tourne son propre rôle dans un navet. Il monte une école de pilotage près de Paris et fait faillite. On ne l’a pas vraiment aidé car jalousé.

Aseyn : Il accomplit des exploits extraordinaires et ne va pas supporter de ne plus être en haut de l’affiche. Nungesser savait faire sa « com ». Quand il décide d’être le premier à relier Paris à New York d’une traite sur l’Oiseau Blanc, il cherche à nouveau la gloire. Une fois de trop mais ça aurait pu marcher. Lindbergh réussit dans l’autre sens dix jours après Nungesser et Coli disparus dans l’Atlantique.
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