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Une Étoile tunisienne

Dialoguer surtout

Au premier plan, il y a l’amour…

L’amour est important à intégrer dans une histoire. Les récits sur les sentiments me parlent plus que les autres, c’est vraiment un moyen de capter l’attention des gens. Les deux personnages principaux, Shams et le journaliste américain qui veut couvrir les « événements », incarnent deux extrêmes qui se rencontrent.

Or cette rencontre a été très difficile à orchestrer : d’un côté, Shams, très intelligente, très pratiquante et très engagée dans un islam non politisé. Durant tout le récit, elle explique son parcours, de la laïcité à la recherche de religion. Et de l’autre le journaliste, qui incarne le regard extérieur sur la Tunisie.

Shams va être enlevée avec le journaliste par des terroristes : ils vont donc être obligés de se parler et comprendre l’autre. Le personnage de Shams me permet d’ailleurs de donner la parole aux femmes qui portent le voile. Souvent on les juge, pensant qu’elles sont obligées de le faire, alors que ce n’est pas forcément le cas. Elles ont le droit de faire les choix qui leur semblent en accord avec leurs croyances.

Pour moi, cette rencontre, c’est le terrain du dialogue nécessaire : comme ces personnages se parlent directement, ils lèvent pas mal de malentendus entre eux. C’est ma manière de faire discuter deux mondes avec du recul, de ne pas prendre parti !

Vous abordez aussi le face-à-face très tendu entre fanatisme et laïcité…

En Tunisie, on est au croisement entre le modèle laïque moderne proposé par Bourguiba et celui qui serait un « retour aux racines », lié à la religion, une manière de s’identifier facilement alors qu’un pays est en pleine mutation. Comme la Tunisie est à cheval entre l’Occident et l’Orient, il y a un besoin de se créer sa propre identité, en refusant de ressembler à l’autre, à cet Occident fantasmé. Comme c’est très difficile de se trouver, cette quête me semble primordiale et intéressante à raconter.

Il est facile de tomber dans les extrêmes quand on se construit contre quelque chose. J’aborde cette question notamment avec les phrases de la bande-annonce, qui sont toutes tirées de vrais discours « d’islamisation » ! Depuis 9 ans que je suis partie de la Tunisie, chaque année, quand je rentre, je retrouve un pays complètement changé !

Ça pousse à réfléchir car ces discours religieux ne sont pas diffusés uniquement en Tunisie. Ces prédicateurs très virulents d’Arabie Saoudite et du Quatar notamment sont suivis partout dans le monde. Certains tiennent des discours très choquants, notamment sur l’Art. J’avais besoin de faire ce livre pour informer aussi de ce qui se passe à ce niveau, vu que ça n’est pas souvent mis en avant dans les médias ici.

Pourquoi publier en français ?

Je publie en français et en italien, mais pas en arabe. Non par peur, mais parce que la BD n’est pas très répandue dans cette langue et que les Tunisiens intéressés pourront la lire en français très facilement. J’aimerais bien aussi la publier en anglais, mais pour l’instant je n’ai pas le support technique pour la traduction.


Pouquoi avoir choisi uniquement le rouge comme couleur ?

Le rouge est le thème du drapeau tunisien. Et surtout il me fallait quelque chose de simple pour cet album, de très différent de ce que j’ai fait avant. Je voulais un dessin simple et expressif au service de l’histoire.

Et où en êtes-vous dans la création ?

J’ai réalisé plus de 30 % du projet ! Le découpage est presque fini ! J’ai prévu de tout terminer fin 2015, car je veux être prête pour le festival d’Angoulême !


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