Supernova, L’Amour au temps du terrorisme, notre élule d’avril, narre les temps troublés qui ont suivi le Printemps arabe en Tunisie. L’auteure, Gihèn Ben Mahmoud, nous a détaillé comment son projet de docu-fiction a pris forme…
Une famille au cœur de la « révolution »
Qu’est ce qui a déclenché le processus de création de Supernova ?
Depuis la « révolution tunisienne », je voulais écrire quelque chose. Mais il m’a fallut du temps pour digérer les choses, en faire quelque chose de décent. Après le printemps arabe, il y a eu beaucoup de publications sur le sujet, sans forcément de recul. Je ne voulais pas me mêler à ça : il faut du temps pour réfléchir à ce qui s’est passé, surtout quand ça nous touche.

Je n’arrivais pas à exprimer l’accumulation de tout ce qui s’est passé en Tunisie, dont je suis originaire et où j’ai grandi. En 2012, un ami passionné d’astronomie m’a expliqué ce qu’est une supernova. Avec cet évènement, j’ai trouvé la forme pour narrer mon histoire sur la Tunisie : les deux éléments se sont connectés et à partir de ce moment là, l’histoire a coulé toute seule. Comme si tout ce que j’avais retenu avait pris enfin forme !
L’idée que j’ai eue à partir du titre était très générale : mon récit fait un parallèle entre la naissance d’une étoile, le parcours du personnage principal, Shams, et aussi du pays. J’ai essayé de construire le récit en partant de ce symbole.
Avez-vous changé des choses dans le récit suite à l’actualité ?

J’arrête le récit il y a deux ans environ, pour raconter surtout l’après « révolution ». Je voulais me focaliser sur la chute de Ben Ali, les problèmes qui ont suivi entre manifestations pro- islamistes, les problèmes au gouvernement. Bien sûr ça fait écho à ce qui se passe aujourd’hui : je ne parle pas directement de l’attentat qui s’est passé au musée Bardo mais mon histoire montre bien comment l’instabilité politique du pays et les tensions préparaient en quelque sorte un événement pareil.
Quel est le pilier de votre récit ?
L’histoire de la Tunisie est racontée à travers le destin d’enfants d’une même famille, de classe moyenne. Pour moi, c’est la famille moyenne classique tunisienne. C’est vraiment comme mes grands-parents et mes parents : des gens simples qui vivaient tranquillement. Le récit se concentre sur les choix que les enfants vont faire, notamment la plus jeune des filles, qui incarne vraiment la recherche d’identité liée à cette « révolution ».

Shams voit tous les changements du pays, des années 90 très laïques aux années 2010 avec le boom de l’islamisation du pays : beaucoup de choses ont changé et chacun les a vécu différemment. Elle va chercher sa place en fait. Je voulais montrer ce changement, cette quête d’identité. Une quête finalement très universelle.
Et les autres enfants ?
Le grand frère, ex-blogueur, détonne un peu dans cette famille de la classe moyenne. Il était contre le régime Ben Ali, a été emprisonné pendant la révolution et cela a déclenché quelque chose en lui. Il va entrer dans une sorte de secte ultra-religieuse suite à cela.
La sœur aînée devient très religieuse, à la suite d’une déception amoureuse. Elle a cherché des réponses à sa déception dans la religion, comme aurait pu le faire n’importe quelle personne, musulmane, catholique ou autre. Les gens cherchent Dieu dans les moments de détresse. Enfin, la deuxième fille est très rebelle, car étant très belle, elle fait tout pour avoir plus de liberté : elle cherche son bonheur en défiant la société conservatrice tunisienne.
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