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Identité : déraciné

La Corée comme point de fuite

 

Extrait du film animé

Extrait du film animé

L'adoption en masse d'enfants coréens n'est pas un sujet très médiatisé. Avez-vous eu des retours de lecteurs concernés ?

Tous les jours. J'ai reçu des messages bouleversants. Beaucoup de Coréens adoptés, de parents adoptifs, de personnes en procédure d'adoption qui ont trouvé des réponses dans ce livre. C'était intéressant d'avoir pour une fois le point de vue de l'adopté. Beaucoup se sont reconnus dans mon histoire. C'est un récit miroir.

On a été abandonné, on est arrivé dans un pays inconnu au sein d'une famille occidentale et il a fallu faire avec. Certaines adoptions se sont très bien passées, d'autres très mal, jusqu'à se terminer de manière dramatique. C'est pour ça que j'évoque tous les cas de suicide. C'était important d'en parler. Avant, les gens venaient en dédicace pour que je leur fasse de beaux dessins. Maintenant, ils viennent parce que mon bouquin les a touchés. C'est comme ça que j'envisageais mon travail quand j'ai commencé.

 

Enfant, vous rejetez la culture coréenne et adoptez la culture japonaise. Plusieurs de vos albums ont pour thème le Japon. Cette culture a influencé votre travail ?

 

Complètement oui. Je suis japonais ! Dans ma tête, je l'étais en tout cas. J'ai eu besoin de cette culture pour pouvoir m'identifier à une culture asiatique. Quand je regardais dans le miroir, je voyais un asiatique. Mais j'étais en plein rejet de mes origines. Je ne comprenais pas pourquoi la Corée du Sud abandonnait ses enfants et les envoyait en masse pour l'adoption internationale. J'étais honteux des Coréens. Alors j'ai fait un report d'affectivité. J'ai appris le japonais pendant deux ans. Ma chambre était devenue un centre culturel japonais et je suis parti au Japon à 18 ans.

Extrait du film animé

Extrait du film animé

Jusqu'au jour où il a fallu voir la réalité en face : je n'étais pas japonais... C'était un leurre. Il a fallu me réconcilier avec mes origines. J'ai rencontré des Coréens. Il y avait cette ambivalence, entre amour et haine... Aujourd’hui, je suis marié à une Coréenne adoptée. C'est curieux hein, pour quelqu'un qui n'aimait pas les Coréens ? Ça a pris du temps, mais je revendique mes origines, tout en n'étant pas un vrai Coréen : je ne parle pas la langue, je n'ai pas vécu là-bas. Mais physiquement je leur ressemble et, je ne sais d'où ça vient, j'appréhende les choses à la manière des Coréens... C'est le travail d'une vie, de se reconstruire.

Pourquoi avoir attendu 40 ans pour retourner en Corée ?

J'ai beaucoup tourné autour du pot. Retourner dans son pays d'origine alors qu'on a vécu dans le déni si longtemps, c'est pas évident. J'y suis allé une première fois pour le tournage du film en 2010. J'y suis retourné ensuite, j'ai présenté mon film devant un public coréen, fait des interviews... Je n'en reviens toujours pas de ce que j'ai fait. C'est très émouvant d'échanger avec eux, surtout la jeune génération. Ils ont vaguement entendu parler de ces Coréens adoptés mais ils ne savent pas pour quelles raisons la Corée a abandonné ses enfants.

Extrait du film animé

Extrait du film animé

Quelles sont vos références en BD ?

C'est Cosey qui m'a donné envie de faire de la bande dessinée. L'histoire de Jonathan m'a bouleversé : ce Suisse qui s'enfuit de l’hôpital, amnésique et à la recherche de son identité, perdu entre le Népal et le Tibet. Cette histoire m'a vraiment marqué. Il y a aussi Osamu Tezuka, dont je n'aimais pas du tout le graphisme. Gamin, j'aimais bien Astro Boy, mais pas trop son dessin. Puis j'ai découvert Ayako. C'est un auteur que je trouve vraiment génial. Il a fait des romans graphiques bien avant tout le monde. J'aime bien Pratt, je lis Persepolis comme tout le monde et Guy Delisle aussi, que je connais et dont j'aime bien les premiers albums.

Extrait de la bande dessinée

Extrait de la bande dessinée

Quels sont vos projets ?

 

Je suis parti sur un nouveau roman graphique avec une pagination conséquente, sur la thématique de ma résilience. C'est une fiction mais je creuse à nouveau le même sillon, j'aborde les mêmes thématiques. Ma femme me dit qu'il faudrait peut-être que je me renouvelle, mais je n'en ai pas envie. Je serais vraiment incapable de faire autre chose.

J'ai d'autres projets en BD mais je travaille aussi sur le scénario d'un nouveau film. J'accompagne également le film Couleur de peau : miel un peu partout : Tokyo où le film a eu un prix, puis les États-Unis, ensuite à nouveau la Corée... Je voyage énormément !

 

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