Altaya

Il faut tuer Lincoln est sorti en 2003, publié par la maison d’édition Dargaud. Treizième volume de « La Jeunesse de Blueberry », c’est aussi le dernier volet de la tétralogie du « cycle des complots ». À cette époque, la série possédait déjà ses caractéristiques propres qui la distinguaient du tronc central de la collection. En insufflant dans le western une grande part d’action, de tension, de modernité et d’aventure, Michel Charlier et Jean Giraud avaient réinventé le genre. Les rouages de leurs récits étaient réglés à la manière d’une horloge fonctionnant toujours en compte à rebours. À l’inverse, Corteggiani et Blanc-Dumont modifièrent quant à eux le rythme de la narration. Puisant dans les clichés du genre classique, ils ont fait évoluer le cycle dédié à la jeunesse du lieutenant vers un format hybride totalement original mêlant des éléments du roman-feuilleton et du thriller d’espionnage.

Dernier train pour Washington a été publié pour la première fois en 2001 par la maison Dargaud. Douzième album de « La Jeunesse de Blueberry », c’est aussi le troisième volet de la tétralogie du « cycle des complots ». Dans ce volume, toutes les particularités des épisodes précédents sont poussées aux extrêmes : complexité de l’intrigue, personnages stéréotypés, rebondissements imprévisibles, succession interminable de coups de théâtre et sentiment d’irréalité sur toile de fond historique.

La Piste des maudits a été publié en 2000 par la maison d’édition Dargaud. Onzième volet de « La Jeunesse de Blueberry », cet album était aussi le deuxième d’une tétralogie connue sous le nom de « cycle des complots ». La nouvelle équipe créative de la collection formée par François Corteggiani et Michel Blanc-Dumont y prend résolument ses marques. Le premier, déjà bien établi en tant que scénariste de la série, et avec son goût prononcé pour le feuilleton, imprime un certain rythme à l’action. Le second, au dessin, grave la collection de son empreinte esthétique, liquidant l’héritage graphique de Colin Wilson.

La Solution Pinkerton été publié pour la première fois en 1998 par la maison d’édition Dargaud. Il s’agissait du dixième volume de la série consacrée aux aventures de jeunesse de Blueberry, et du premier d’un cycle de quatre opus baptisé « cycle des complots » par Corteggiani. Mais surtout, c’est l’album dans lequel Michel Blanc-Dumont fait ses débuts en tant que nouveau dessinateur de la collection. Blanc-Dumont est né le 7 mars 1948 à Saint-Amand-Montrod (Cher). Admirateur de Jean Giraud, il étudie les arts appliqués puis assistera son père dans la restauration d’objets d’art. C’est à cette époque que remonte son intérêt pour l’histoire de l’Ouest et des Amérindiens. En 1973, il signe ses premières bandes dessinées professionnelles, publiées dans les magazines Phénix et Jeunes Années. Un an plus tard, il s’associe à la scénariste Laurence Harlé pour créer la série Jonathan Cartland (1974 – 1995), un western très particulier qui voit le jour dans le magazine Lucky Luke. Cette œuvre jettera les bases d’un style précis et classique auquel Blanc-Dumont restera dès lors fidèle.

Véritable curiosité dans le catalogue de cette collection, Apaches, sorti en 2007, est le dernier volume de la série. S’il renferme des éléments déjà publiés dans les albums Ombres sur Tombstone, Géronimo l’Apache et Dust, Giraud en retravaillera néanmoins l’écriture et les dessins pour conférer une unité à la trame. Il s’agit toutefois plus qu’une simple compilation. L’album contient en effet du matériel inédit qui vient clore un cycle narratif. L’histoire se termine au moment précis où Blueberry quitte Fort Mescalero pour rejoindre Fort Navajo, sa nouvelle affectation. Elle renvoie donc aux débuts du personnage dans le premier opus de la saga (il n’échappera pas au lecteur que le lieutenant porte sur les deux dernières pages la même tenue que celle de son entrée en scène dans Fort Navajo). En raison de ses particularités, cette oeuvre est devenue dès sa sortie une sorte de « face B » de la collection.

Le Prix du Sang a été publié pour la première fois en 1994 par la maison d’édition Dargaud. Neuvième album de la série « La Jeunesse de Blueberry », il formait un diptyque avec le volume précédent, Trois hommes pour Atlanta. Ce fut également la dernière bande dessinée du cycle de jeunesse de Blueberry à laquelle participa le dessinateur néo-zélandais Colin Wilson, dont le style se fait par moments plus sombre, crépusculaire et envoûtant que jamais.

Dust a été publié en 2005 chez Dargaud. Avec ses 68 planches, c’est le volume le plus long de la série. Il met un point final au cycle « Mister Blueberry » ainsi qu’au tronc central de la collection (outre l’épilogue intitulé Apaches). Probablement conscient que ce volume tenait lieu de conclusion, Jean Giraud s’est efforcé de relier son intrigue à celle du premier album, Fort Navajo. La trame de ce cycle se caractérise par une circularité. Le premier épisode (Mister Blueberry) s’ouvrait avec l’arrivée dans l’Ouest du journaliste Campbell. Le dernier démarre avec son départ. Et si dans le premier Blueberry était présenté en train de jouer au poker à une table du Dunhill, on le quitte ici au même endroit où il s’apprête à entamer une nouvelle partie.

Sorti le 20 septembre 2003 chez Dargaud, OK Corral était le quatrième volet de « Mister Blueberry», un cycle consacré aux aventures du héros dans la ville de Tombstone. Grâce au talent de Jean Giraud, cet album s’est transformé en un magistral exercice de suspense dont l’action se déroule dans l’espace d’une seule nuit pour aboutir au matin du 26 octobre 1881. La trame se tisse donc dans les heures qui précèdent la célèbre fusillade d’O.K. Corral. Dans cet intervalle, les complots, les coups fourrés, les enlèvements et les meurtres se succèdent.

La Poursuite impitoyable a été publié pour la première fois en 1992 par la maison d’édition Dupuis. Septième volet de « La Jeunesse de Blueberry », il s’agissait du premier titre en lien avec l’univers du rusé lieutenant non signé par son équipe de créateurs habituelle. En effet, Jean-Michel Charlier était décédé en 1989 et Jean Giraud consacrait tout son temps à sa carrière sous le pseudonyme de Moebius et aux scénarios du triptyque intitulé Marshal Blueberry. À compter de cet album, la série s’assume publiquement en tant que franchise. François Corteggiani et Colin Wilson seront néanmoins à la hauteur des attentes. Ils conserveront les éléments distinctifs hérités de leurs prédécesseurs à partir desquels ils produiront un travail honorable, léger et divertissant.

Géronimo l’Apache a initialement paru en 1999 dans les numéros 22 à 24 du magazine BoDoï avant de sortir cette même année au format album chez Dargaud. Vingt-cinquième épisode de la série, c’était aussi le troisième signé en solitaire par Jean Giraud. L’histoire se situe au milieu d’un arc narratif de cinq volumes intitulé « Mister Blueberry », titre remplaçant celui de « Lieutenant Blueberry » sur la couverture. Les deux volets précédents (Mister Blueberry et Ombres sur Tombstone) plaçaient l’ancien lieutenant — redevenu civil — au centre d’un enchevêtrement de souvenirs personnels, de vendettas, de complots de politique locale et de longues parties de poker nocturnes.

Le Raid infernal a été publié pour la première fois en 1990 chez l’éditeur suisse Novedi. À cette époque, la maison intégrait à son catalogue la majeure partie de la production de Jean-Michel Charlier. Cet album présente un paradoxe, celui d’apparaître à la fois comme un adieu et une reprise de flambeau. Charlier, son scénariste, décède en effet le 10 juillet 1989, laissant une histoire inachevée à la page 28. Reprenant le flambeau, François Corteggiani s’attellera à terminer le scénario, ce qui lui vaudra de poursuivre avec les quinze numéros suivants de «La Jeunesse de Blueberry».

Ombres sur Tombstone a initialement été publié en 1997 par la maison Dargaud. Cet album au titre inquiétant fait partie d’un cycle de cinq volumes qui commence avec Mister Blueberry et se referme avec Dust. Transportant le lecteur dans la ville minière de Tombstone, l’histoire s’inspire librement des tensions qui conduiront à la célèbre fusillade d’O.K. Corral, le 26 octobre 1881.

Au milieu des années 1980, le personnage de Blueberry connaît un vif succès. Pourtant, ses apparitions se font de plus en plus en dents de scie. Il y avait à cela deux raisons. D’une part, des divergences entre Charlier et la maison Dargaud avaient ralenti le rythme de publication des derniers albums ; et d’autre part, Giraud était toujours plus absorbé par Moebius. Il n’en restait pas moins que le rusé lieutenant vivait alors son apogée, à tel point qu’on envisagera même de porter ses aventures à l’écran. John Milius, réalisateur de Conan le Barbare, mais aussi scénariste de Jeremiah Johnson et Apocalypse Now, avait été pressenti pour diriger le projet.

e décès de Jean-Michel Charlier en 1989 marquera un temps d’arrêt dans la série Blueberry. Plus tard, Jean Giraud reconnaîtra s’être trouvé devant le même dilemme qu’avait connu Albert Uderzo après la disparition de René Goscinny : poursuivre sans son scénariste ou arrêter. Il prendra finalement la décision de continuer, mais en laissant le nom de Charlier sur la couverture pour rendre hommage au cocréateur de la série. Giraud achèvera d’abord le scénario d’Arizona Love, puis s’attellera rapidement à la création de Marshall Blueberry, une série parallèle dont le premier volume sera publié en 1991 avec Bruno Vance au dessin. Respectant scrupuleusement l’univers de la série, il intercale son intrigue entre les albums Général “Tête Jaune” et La Mine de l’Allemand perdu. Avec la série Marshall Blueberry, Giraud prouve sa capacité à s’adapter tant aux exigences commerciales de la collection qu’aux canons du genre. Une fois ses qualités de scénariste démontrées, il reprendra l’histoire de l’ancien lieutenant là où il l’avait laissé, aux abords de Yuma. Si le héros a le coeur brisé, il dispose néanmoins d’une petite fortune et n’est tenu par aucun engagement.

Le 10 janvier 2018, la maison d’édition Dargaud annonce la sortie d’une nouvelle aventure du lieutenant Blueberry par Joann Sfar et Christophe Blain, deux figures incontournables de la nouvelle bande dessinée. Les réactions à cette annonce furent nombreuses parmi les inconditionnels de la série. D’aucuns applaudirent l’audace de cette initiative susceptible d’apporter un nouveau souffle. D’autres y virent une interprétation trop différente de l’esprit d’origine de la série, voire une trahison pour les plus radicaux. Or, partisans comme détracteurs comprenaient bien les raisons de cette décision. D’une part, les nouveaux auteurs avaient l’envie de rendre un hommage sincère à Giraud et à Charlier, dont ils admiraient le personnage et le travail. Et d’autre part, il y avait la nécessité de faire perdurer une série et un univers appréciés par tant de fans. Et si le nom des auteurs pouvait surprendre au premier abord, cet hommage annonçait sans doute une nouvelle ère dans l’histoire de cette série culte.

Arizona Love a été publié par la maison d’édition suisse Alpen Publishers en octobre 1990. La sortie de cet album fut toutefois marquée par le deuil, puisque Jean- Michel Charlier était décédé à Paris le 10 juillet 1989, à l’âge de 64 ans. En accord avec ses héritiers, Jean Giraud reprendra respectueusement le témoin. Et c’est avec efficacité et professionnalisme qu’il achèvera l’écriture du scénario interrompue à la 22e page. Le résultat sera une bande dessinée inégale, racontant néanmoins une histoire indépendante – la première de la série depuis L’Homme à l’étoile d’argent – tout à fait honorable, divertissante et pétillante.

Si Cavalier bleu a été publié à l’origine en 1979, il contenait néanmoins trois histoires imprimées pour la première fois dix ans plus tôt. Dans ses pages, Jean-Michel Charlier et Jean Giraud mettent un point final au premier cycle de jeunesse de Blueberry avec deux grandes révélations pour clore en beauté. Le mystère est enfin levé sur l’amitié qui lie l’astucieux lieutenant au général Dodge, mais aussi sur l’origine du nez brisé le plus célèbre de la bande dessinée européenne. Si le titre de l’opus rappelle celui du Soldat bleu (1970), la thématique et le ton dans Cavalier bleu sont très éloignés de ceux du film. Ce dernier – très influencé par le climat antimilitariste qui prévalait aux États-Unis pendant la guerre du Vietnam – était une comédie romantique qui se terminait avec le massacre d’un village indien perpétué par un détachement de la cavalerie des États-Unis. Certes dénué de toute critique, Cavalier bleu surpasse néanmoins le film de Ralph Nelson en efficacité et vigueur narrative.

Le Bout de la piste a été publié pour la première fois en 1986, directement sous forme d’album chez Novedi, un éditeur belge de bandes dessinées. Ce sera la première aventure de Blueberry à sortir directement dans ce format. Symbolique et crépusculaire, le titre de l’album suggère la fin d’un cycle narratif commencé quinze ans auparavant avec Chihuahua Pearl. Or, un astucieux rebondissement dans les quatre dernières vignettes permettra au scénariste belge de prolonger l’action du moins jusqu’au numéro suivant.

Un Yankee nommé Blueberry rassemble trois bandes dessinées qui ont vu le jour dans les numéros 5 à 7 du trimestriel Super Pocket Pilote, publiés entre septembre 1969 et mars 1970. Elles font partie d’un cycle narratif commencé avec « Le Secret de Blueberry », consacré aux aventures de jeunesse du lieutenant. Dans cette oeuvre vive et dynamique, l’action progresse à un rythme vertigineux, relancée par les coups de théâtre et un sens du suspense explosif. Sur le plan esthétique, le cycle se caractérise par un classicisme. La forme tranche alors avec l’évolution du tronc principal des aventures du lieutenant qui atteignaient l’un de leurs sommets d’expressivité dans le diptyque formé par La Mine de l’Allemand perdu et Le Spectre aux balles d’or (publiés à cette époque en série dans la revue Pilote).

Le blogueur brésilien Afrânio Braga attribue à La Jeunesse de Blueberry le mérite d’avoir introduit en France la mode des spin-off (ou séries dérivées), monnaie courante sur le marché américain du comics. Avec cette nouvelle collection, Jean-Michel Charlier et Jean Giraud trouvent le parfait moyen de répondre aux questions les plus courantes des lecteurs : Qui est Blueberry ? Comment s’est-il cassé le nez ? Quand s’est-il engagé dans l’armée ?Pour quelle raison ? Quel est son véritable nom ? Tout s’éclaircira dans neuf bandes dessinées courtes parues entre 1968 et 1970 dans les pages d’une publication singulière : Super Pocket Pilote.

Eté 1861, Mike Donovan qui ramène « Long Sam », un esclave noir échappé de la plantation de son père, s’arrête en cours de chemin à White Lodge plantation, propriété du père de sa petite amie : Harriet Tucker. Un vieux contentieux qui oppose les deux familles, la nouvelle évasion de « Long Sam » et des concours de circonstances malencontreux vont faire de Mike un fugitif. ''Le pont de Chattanooga'' Hiver 1861, Blueberry devenu trompette dans la cavalerie Nordiste se porte volontaire pour détruire le pont de Chattanooga qui se trouve sur une voie...

La Tribu fantôme a initialement été publié en feuilletons dans les numéros 81 à 83 de la revue L’Écho des savanes, entre octobre et décembre 1981. L’année suivante, la maison d’édition Hachette rassemblera toutes les planches pour sortir sur le marché le vingtième album de la collection.

Au début des années 1980, Giraud se consacre corps et âme à l’aventure Moebius, tout particulièrement pendant la conception de L’Incal, premier succès commercial de son célèbre alter ego. Il envisage même d’abandonner Blueberry et de le confier à un autre dessinateur. Mais avant cela, il lui fallait trouver l’auteur idoine tant pour lui que pour son scénariste. Le recours à l’assistance de Michel Rouge a été un premier pas dans ce sens. Des années plus tard, Rouge s’occuperait de Frontière sanglante, l’un des volets de la série parallèle Marshall Blueberry. L’influence qui transparaît dans le dessin de La Longue Marche n’est toutefois pas celle de l’assistant, mais bien de Moebius. Par rapport à Nez Cassé, le trait dans La Longue Marche est plus délicat et dépourvu du maniérisme propre au premier Moebius, essentiellement caractérisé par un hachurage minutieux pour rendre les volumes et les textures.

L’histoire commence en 1870, deux ans après le dénouement d’Angel Face. Pour attiser habilement la curiosité des lecteurs, Charlier et Gir attendent la douzième planche pour faire apparaître le visage de Blueberry. L’action est en revanche au rendez-vous dès la première page. Le scénario nous ramène aux ambiances de la première partie de la série, avec le retour de la tribu apache présente dans Fort Navajo (premier volume de la collection).

Angel Face a d’abord été publié en feuilletons dans les neuf premiers numéros du journal belge Nouveau Tintin, entre le 16 septembre et le 11 novembre 1975. Ce fut le premier épisode de Blueberry à ne pas être publié en série dans Pilote. Sorti deux ans après le volet précédent (Le Hors-la-loi), il marquera le début de longues pérégrinations du titre à travers les pages de plusieurs publications européennes : L’Écho des Savanes, Métal Hurlant, Super As et Spirou. Dargaud continuera néanmoins de publier les albums dans une collection qui rassemblait déjà 17 volumes, Angel Face compris. À cette collection principale est venue se greffer peu après une nouvelle série intitulée La Jeunesse de Blueberry. Elle compilait les aventures de jeunesse du lieutenant parues auparavant dans la revue Super Pocket Pilote (également incluses dans cette collection).

Présenté par Charlier et Giraud dans le Pilote numéro 700 du 5 avril 1973, Le Hors-la-loi s’étendra jusqu’au numéro 720 du 23 août de la même année. Ce sera le dernier épisode de Blueberry à paraître en feuilletons dans l’hebdomadaire. Le début des années 1970 a été une époque dorée pour Pilote. Le vent de renouveau de mai 68 avait profondément transformé le magazine. Ses 52 pages proposaient un contenu varié, faisant la part égale aux représentants d’une bande dessinée plus traditionnelle pour un jeune public (comme Astérix, Lucky Luke et Achille Talon) et à ceux d’un registre plus adulte et expérimental, esprit incarné par Jacques Tardi, Marcel Gotlib, Enki Bilal, Claire Bretécher, Florenci Clavé ou Luis García. Quelques-unes des œuvres des deux courants ont été de véritables piliers de la revue, notamment Valérian, classique de la science-fiction du scénariste Pierre Christin et du dessinateur Jean-Claude Mézières ; Philémon, prodige de fantaisie et d’imagination, œuvre du génial Fred ; et, bien sûr, Blueberry, devenu un modèle du western et du dessin réaliste dans la BD.

Ballade pour un cercueil referme en beauté le cycle du Trésor des confédérés. Élogieux à son propos, le critique Jordi Canyissà qualifie cet album d’« exemple canonique pour tout aspirant scénariste, car il montre comment dérouler plusieurs actions en parallèle pour ensuite toutes les faire magistralement converger ». Sa publication s’est étendue du 30 mars au 11 novembre 1971 dans les numéros 647 à 679 de Pilote.

L’Homme qui valait 500 000 $ a été publié en feuilletons dans les numéros 605 à 627 de l’hebdomadaire Pilote, du 10 juin au 11 novembre 1971. L’histoire enchevêtrée qui avait commencé dans Chihuahua Pearl s’y poursuit et s’emmêle encore davantage. Passé maître dans l’art de la narration, Charlier truffe l’intrigue de trahisons, fausses pistes, revirements inattendus et dénouements explosifs. Dans l’épisode antérieur, Charlier avait confié à Blueberry une mission digne d’un agent secret, recourant à des artifices similaires à ceux employés dans le cycle du Cheval de fer. Or, l’objectif initial s’y était rapidement estompé à mesure que sa capacité à ménager le suspense

La publication de Chihuahua Pearl a commencé dans le numéro 566 de la revue Pilote du 10 septembre 1970. À un rythme de deux pages par semaine, la série se poursuivra jusqu’au numéro 588, du 11 février 1971. Les deux précédents volets (La Mine de l’Allemand perdu et Le Spectre aux balles d’or) avaient marqué un point d’orgue dans la collection, mais leur intrigue fermée et le nombre réduit de personnages en ont fait un îlot à l’intérieur de la série. Chihuahua Pearl se poursuivra en revanche dans les deux albums suivants (Ballade pour un cercueil et L’Homme qui valait 500 000 $) pour former une trilogie connue sous le nom de « cycle du trésor des confédérés » dont les conséquences se feront profondément ressentir dans les épisodes suivants écrits par Charlier.

Sur le plan créatif, le diptyque que forment La Mine de l’Allemand perdu et Le Spectre aux balles d’or constitue l’un des points d’orgue de Blueberry. Il sera en effet difficile de trouver ailleurs dans la série un tel équilibre entre les enchevêtrements propres au feuilleton, la tension narrative et un dessinateur en état de grâce, capable de produire des images détaillées à l’extrême, mais conservant toute leur vigueur, efficacité et puissance suggestive. La mèche que Charlier et Giraud ont allumée dans le volume précédent provoque dans ce tome une grandiose explosion pyrotechnique avec une cascade saisissante de feux d’artifice.

Il aura fallu patienter cinq mois après le dénouement de Général “Tête Jaune”  avant que ne commence La Mine de l’Allemand perdu. Pourquoi une telle attente ? Eh bien, Jean-Michel Charlier était de plus en plus happé par son travail de scénariste pour la télévision, une nouvelle occupation chronophage au détriment des scénarios pour la bande dessinée. Néanmoins, il ne coupe pas 

Scénariste prolifique, Jean-Michel Charlier pouvait aisément passer d’une histoire pour la bande dessinée Barbe- Rouge au script d’un épisode de la série télévisée Les Chevaliers du ciel. Or, cette fécondité entraînait pour ses collaborateurs des retards de livraison. En attendant, le dessinateur Giraud mettait son temps à profit pour créer des illustrations et de petites histoires qui paraissaient dans Pilote. Il a même signé seul une courte aventure de Blueberry intitulée Tonnerre sur la Sierra. Publiée dans le premier numéro de la collection de poche Super Pocket Pilote (du 1er juillet 1968), elle sera compilée plus tard dans le troisième volume de la série La Jeunesse de Blueberry. Mais pendant que Giraud s’essayait à l’écriture, la suite de La Piste des Sioux prenait du retard... pour des raisons indépendantes de la volonté de son scénariste.

C’est dans le no 427 de l’hebdomadaire Pilote du 28 décembre 1967 que paraît le premier épisode de La Piste des Sioux. Cette nouvelle aventure se prolongera jusqu’au no 449 du 30 mai 1968, son dénouement coïncidant avec les violentes manifestations qui secoueront les rues de la capitale pendant deux mois. L’agitation se fera d’ailleurs ressentir jusqu’au sein de la rédaction de Pilote où émerge une dissidence interne qui conduira à un changement de ligne éditoriale. Mais tandis que la jeunesse française bat le pavé contre l’immobilisme du général de Gaulle, Blueberry fait face à un général d’un autre genre qui n’hésite pas à abuser de son pouvoir pour assouvir ses ambitions.

En couverture du numéro 397 de Pilote (du 1er juin 1967), Jethro Steelfingers apparaît dans la posture classique du duelliste de western, sa main gauche prête à saisir son révolver. Cette image annonçait le début du huitième volet de Blueberry, intitulé L’Homme au poing d’acier. Cette aventure se terminera dans le numéro 417, du 2 novembre de la même année. Si l’intrigue s’inscrit dans la continuité du volume précédent (Le Cheval de fer), l’habile scénariste qu’a toujours été Jean-Michel Charlier use de son instinct et de son intelligence pour en faire un enchevêtrement de complications inattendues.

La course dans laquelle se lancent les compagnies concurrentes Union Pacific et Central Pacific en 1865 pour la construction d’une voie ferrée traversant le pays de côte à côte constitue l’un des grands épisodes de la conquête de l’Ouest. Elle était la concrétisation d’une loi en faveur de la construction d’une ligne de chemin de fer transcontinentale promulguée par le président Lincoln en juillet 1862 — appelée Pacific Railroad Act — qui n’entra en vigueur que trois ans plus tard.

Entreprise titanesque, cette course d’endurance mobilisa des ingénieurs comme Grenville Dodge, des entrepreneurs comme Collis Huntington ainsi que des milliers d’ouvriers, essentiellement d’anciens soldats, des immigrants irlandais et des coolies venus de Chine. Le point d’orgue de ces travaux fut la cérémonie de « jonction des rails » le 10 mai 1869 à Promontory Point, dans l’Utah. Mais avant cela, de nombreux

L’Homme à l’étoile d’argent est la sixième aventure de Blueberry. Elle a commencé dans le numéro 337 de Pilote (du 7 avril 1966) pour se prolonger jusqu’au numéro 360, publié le 15 septembre de cette même année. Ce chapitre présente une double particularité : d’une part, son histoire forme une unité, fait inhabituel dans une collection composée de longs arcs narratifs ; d’autre part, il s’agit de l’un des rares albums de la série à dépasser les 46 pages.

La couverture du numéro 313 de Pilote (du 21 octobre 1965) représentait le lieutenant Blueberry à cheval avec en toile de fond la Monument Valley en Arizona. Signée de Jean Giraud, l’image était accompagnée d’une légende annonçant le cinquième épisode des aventures de l’astucieux héros, La Piste des Navajos, qui connaîtra son dénouement dans le numéro 335 (du 24 mars 1966). Avec ce nouvel épisode, Jean-Michel Charlier boucle le premier cycle des aventures du lieutenant Blueberry, désigné comme « Les premières guerres indiennes » et comprenant les cinq premiers volumes. Au cours de cette première période, le héros acquiert une grande popularité dans les pages du magazine si bien qu’à partir de l’épisode suivant (L’Homme à l’étoile d’argent), la série cessera de s’appeler Fort Navajo pour s’intituler Blueberry.

Début 1963, Charlier a une révélation : la vision d’un personnage évoluant dans l’Ouest américain — qui l’avait tant attiré et séduit — avec lequel il pourrait aborder l’histoire naissante des États-Unis. Mieux, il s’agirait d’un héros dont le parcours serait semé de péripéties à la chronologie indéterminée, mais dont le destin serait déjà tracé dans les grandes lignes. Jean-Michel Charlier savait d’où venait son héros et comment il finirait, qu’il serait à la fois témoin et acteur de premier plan d’une Amérique violente, en construction. Mieux encore, le personnage n’aurait pas le physique lisse et régulier de rigueur, mais un visage au charme canaille, portant la marque de sa psychologie et de sa morale. Un être remué par les événements, mais incapable de rester silencieux, inactif, impassible.