Moheeb sur le parking

Plongée dans le quotidien d’un jeune migrant afghan en Belgique. Cet album explore la détresse psychologique des mineurs déracinés, pris dans un quotidien marqué par l’attente et l’angoisse.

Moheeb, 17 ans, est un Afghan récemment arrivé en Belgique. Ses journées se déroulent dans un parking de la grande banlieue bruxelloise, où il partage son temps entre discussions avec un autre jeune migrant, Qais, parties de football en solitaire contre un mur ou avec Hugo, un lycéen belge. Ce dernier s’arrête chaque jour après les cours pour échanger quelques instants avec Moheeb. Une amitié singulière se noue entre eux, bien que déséquilibrée : Hugo, plus distant, refuse de lui donner son numéro et se confie peu. Un jour, il fugue sans prévenir. Moheeb croise alors la mère du jeune Belge, en quête de son fils. Incapable de l’aider, il tisse néanmoins un lien avec cette femme désemparée, qui lui témoigne une forme d’affection maternelle. Cette relation ravive en lui un profond sentiment de culpabilité, lié à l’abandon de sa propre mère malade en Afghanistan.

Un bout de parking, pas loin de Bruxelles. C'est là que Moheeb, un ado afghan réfugié, vit sa vie sur un banc. © Lodewick - Dupuis

Clara Lodewick, fille du scénariste Dugomier et d’une coloriste, baigne dans l’univers de la bande dessinée depuis son enfance. Après des études de dessin, elle publie Merel chez Dupuis dans la collection Les Ondes Marcinelle, un premier roman graphique remarqué, sélectionné à Angoulême en 2023. Avec ce nouvel album volumineux, elle s’attaque à un sujet qui la touche depuis longtemps : l’immigration. À travers une fiction immersive de 200 pages, elle explore la solitude et le désarroi d’un jeune migrant. Son approche linéaire et épurée permet de saisir la psychologie du personnage tout en préservant une part de mystère. L’observation minutieuse de ses gestes et le rythme lent, marqué par de rares ellipses, traduisent l’ennui et l’anxiété qui l’habitent.

Le récit se déroule presque entièrement sur un parking, lieu de passage animé en journée, mais inquiétant une fois la nuit tombée. L’auteure, qui vit elle-même dans un van, a pu observer de près cette réalité. Son dessin se distingue par des personnages aux proportions légèrement disproportionnées – mains et pieds imposants –, ancrés dans un réalisme brut. Ils ne sont pas idéalisés, mais incarnent des personnes normales et représentatives de la société. Son style, d’apparence naïve, s’accorde à la mise en page dense : quatre bandes de deux à trois cases par planche, dans un format plus proche du roman que de la BD traditionnelle.

Cet album capte un fragment de l’existence de Moheeb, sans révéler grand-chose de son passé. Il restitue la rencontre fugace entre le lecteur et un jeune migrant en quête de repères, figé dans un entre-deux incertain.