Pionnier, Edward Muybridge a inventé la photo du mouvement, le cinéma avant Edison ou les frères Lumière. Guy Delisle consacre 200 pages à ce génie méconnu, cet Anglais excentrique, photographe passionné.
Il faut vraiment être un grand amateur d’images et d’Histoire pour savoir qui est Edward Muybridge. Sa vie couvre la fin de la moitié du xixe siècle au début du XXe. Aux États-Unis, ce photographe va trouver à la fois un système de prise de vue révolutionnaire et un mécène qui voulait absolument savoir si les chevaux volaient en galopant, en phase d’extension. Guy Delisle, lui, connaissait Muybridge : « Il n’a pas de biographie en français. Je montre ses photos légendées en anglais comme les livres que j’ai pu trouver sur lui. Quand on travaille dans l’animation, on connaît Muybridge. À 19 ans, je regardais déjà ses photos, fasciné. Plus j’ai creusé, plus je trouvais le personnage extraordinaire, son histoire intéressante. »

© Éditions Delcourt, 2024 — Delisle
Il avait raison Guy Delisle. Quand on commence son bouquin, on ne le lâche plus. Muybridge est un aventurier créateur et il y a un goût de thriller dans son parcours. Il débarque aux États-Unis en 1855, est libraire, se plante en diligence, retourne en Angleterre où c’est le médecin de la reine Victoria qui le soigne, Sir Gull soupçonné bien plus tard d’être Jack l’Éventreur. Muybridge se retape, est un brin fantasque, étudie la photo pendant sept ans. Il revient en Amérique à San Francisco et son aventure commence. Il a séduit Stanford, mécène millionnaire, avec le bouquin de photos qu’il a fait sur sa commande de son manoir incroyable. Stanford a un dada à plus d’un titre. Il adore les chevaux, les fait courir et se pose une
question : un cheval a-t-il au galop les quatre fers en l’air ? Seule une photo pourrait le prouver. À Muybridge de s’y coller. « On dit souvent que cette photo était une gageure entre gens riches. C’est faux. Stanford voulait améliorer la course de ses chevaux en sachant comment ils se déplaçaient. Il était devenu richissime avec le chemin de fer ralliant côte est et côte ouest. » Muybridge cogite. Après bon nombre d’échecs et un million de dollars pour mettre au point le bon matériel, il arrive à saisir en le décomposant le pas d’un cheval au galop. Décollage ou pas ?

© Éditions Delcourt, 2024 — Delisle
Dépasser le bricolage
La réponse, allez la découvrir dans Pour une fraction de seconde comme tout le procédé incroyable mis en place décrit par Delisle. Muybridge a inventé le ralenti : « Il a réussi à saisir le temps, à le découper en images. Muybridge a dépassé le bricolage. Il invente, crée l’obturateur, électrifie le tout. Il est aussi chimiste. Quand il prend ses chevaux, la pellicule, la plaque instantanée n’existent pas. Ils sortaient des images prises en un dixième de seconde. »
Une vraie et belle découverte ce Muybridge par Delisle. Mais Muybridge sera le héros ignoré de l’époque des grandes inventions, au passage meurtrier acquitté de l’amant de sa femme. Nul n’est parfait.
Article publié dans le Mag ZOO N°101 Novembre-Décembre 2024
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