Une adaptation réussie du best-seller de William Golding. Aimée de Jongh nous fait vivre de manière intense et juste le désarroi d’enfants livrés à eux-mêmes sur une île déserte ; beaucoup de sensibilité dans le rendu graphique de cette description sans concession de la nature humaine.
Un groupe d’enfants anglais survit au crash de l’avion qui les transportait. Ils se retrouvent sur une île déserte. Il faut s’organiser pour survivre. Dans cette belle adaptation du roman de William Golding (une des sources d’inspiration de Fabien Vehlmann pour Seuls), Aimée de Jongh a su donner le bon tempo au récit. Elle traduit avec talent les émotions des enfants, partageant leurs espoirs et leurs doutes, nous permettant par son trait juste de mieux nous immerger dans l’histoire.
Les tensions montent peu à peu entre les deux leaders du groupe, le sage Ralph et l’instinctif Jack. La soif de domination de ce dernier va le transformer en chef de guerre tribal. En effet, si les enfants se battent pour s’amuser dans un premier temps, la violence s’invite de plus en plus dans leurs jeux. L’autrice développe avec subtilité l’antagonisme entre les deux garçons. Ralph croit en leurs chances d’être retrouvés, qui nécessitent de respecter des règles et de préparer demain. Mais sous l’impulsion de Jack, beaucoup ne pensent qu’au présent. Manger de la viande, et non des fruits, devient une obsession pour celui-ci : le chasseur prend goût au sang qui coule.

Sa Majesté des Mouches
La guerre du feu
Le graphisme sensible d’Aimée de Jongh est mis en valeur dans cette terrible parabole sur l’animalité qui est en nous. La raison laisse vite la place à la peur, la faim, l’envie, la haine… Le vernis social craquelle, même si ces college boys viennent sans doute tous de la bonne société anglaise. La soif de l’aventure à l’instant présent prévaut sur l’entretien du feu. L’autrice anime d’ailleurs avec talent les flammes, notamment lors de scènes d’incendie saisissantes. Et quand les enfants s’enfoncent dans la forêt, on se sent oppressé comme eux face à cette végétation mystérieuse.
La crédulité et l’ignorance amènent les jeunes robinsons à créer une religion archaïque, faisant des offrandes au mystérieux monstre de l’île qu’ils imaginent tapi quelque part. Le symbole de leur culte ? Une tête coupée de cochon sauvage qui attire une multitude de mouches. Sa Majesté des mouches… Aimée de Jongh lui donne un aspect cauchemardesque fort à propos. On est loin du mythe du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau. L’homme serait-il naturellement mauvais ? La dernière image de cet ouvrage donne un début de réponse…
Article publié dans le Mag ZOO N°100 Septembre-Octobre 2024