Un roman coup de poing, estomaquant, du jamais LU, qui devient sous la plume de Julien Martinière un Roman Graphique jamais VU ! C'est l'histoire d'un ouvrier intérimaire, Joseph Ponthus, qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c'est qu'il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d'Apollinaire et les chansons de Trenet. C'est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l'odeur de la mer. Par la magie d'une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse...

À la ligne

Éditeur : Sarbacane
Dessin : Julien MartinièreAuteur : Julien Martinière
Collection : ROMANS GRAPHIQUES SARBACANE
Prix : 25.00€
- ZOO
3.0
Scénario
3.0
Dessin
3.0
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Le synopsis de l'album À la ligne
L'adaptation en BD du sommet poétique ouvrier de Joseph Ponthus, A la ligne...
Toutes les œuvres littéraires ont-elles besoin d'être adaptées en BD ? C'est la question qui se pose lorsqu'on voit sortir A la ligne. Julien Martinière a l'audace de relever le défi et s'en sort plutôt bien. Mais ces adaptations à tout crin sont-elles indispensables ? Non, d'autant moins quand l'œuvre originale surclasse déjà toute autre forme d'écrit, comme en l'espèce. Ça n'empêche évidemment pas la BD d'être réussie et de procurer un bon moment de lecture.
A la ligne. Chaque nuit, à l'usine. De poissons, de crustacés, de bœufs, de porcs. A la ligne. C'est là où, chaque jour, ou plutôt chaque nuit, ou les deux, Joseph Pontus, devenu intérimaire en venant venir vivre par amour en Bretagne avec son épouse, va vendre sa force de travail. Participer à la lutte des classes. Trier, ranger, empaqueter, congeler. Désosser, laver, morceler... Chaque jour. Chaque nuit. Les mêmes gestes répétitifs. Le besoin de retrouver le monde pour survivre à cette guerre. Entre l'Homme et l'animal, l'Homme et la machine, l'Homme et son patron. L'homme et le capitalisme maudit qui broie les corps et foule les esprits.
C'est tout cela que nous raconte Joseph Ponthus dans son poétique et précieux ouvrage, A la ligne, édité à la Table Ronde le 3 janvier 2019. Un succès foudroyant, un monument de la littérature prolétarienne, noble genre s'il en est. Ponctué à peine deux ans après par le décès prématuré de ce fondu d'Apollinaire et Dumas. Cancer. Balayé à quarante-deux ans comme il balayait le sol des usines de Lorient, lui qui était venu vivre ici par amour. La bande dessinée de Julien Martinière raconte tout cela. On est partagé entre la vision qu'il nous donne de cette œuvre, en ligne claire et en noir et blanc, et l'envie secrète qu'on aurait voulu conserver : ne mettre derrière la ligne que les images offertes par notre imaginaire.

" L'homme et le capitalisme maudit qui broie les corps et foule les esprits. " © Sarbacane, 2024 - Julien Martinière
Mais c'est fait, c'est lu et ne boudons pas notre plaisir, car c'en est un, réel, de relire différemment cette œuvre magistrale. Le dessin, fin et en retrait, laisse toute la place au texte pour faire exploser la puissance de feu que lui a insufflé Ponthus. Un coup de génie entre les dimanches soir où il ne parvenait pas à aller se coucher, les lundis matin qui piquaient au moment du réveil et à l'embauche. Et puis, la joie de retrouver le chien Pok Pok, de boire une bière, faire l'amour, fumer. Pour oublier l'usine, la chaîne, la ligne. Se rappeler que l'essentiel est ailleurs. Il y a une vie avant le boulot. Après aussi.
Julien Martinière livre une version fidèle au texte original. Son adaptation est réussie. Même si elle alimente l'éternelle question : ne reste-t-il pas suffisamment de terrains littéraires et d'idées d'histoires encore vierges pour multiplier les adaptations d'œuvres existantes en bande dessinée ? Si toutes offraient la fidélité et la fluidité d'A la ligne, on se poserait peut-être moins la question.
