Une somme de travail hallucinante à huit mains ! Avec une maquette bien pensée, s’assemble peu à peu sous nos yeux un projet de plus en plus mûri de nouveau magazine pour les jeunes, nourri par les trajectoires d’hommes de bonne volonté.
On comprend que les auteurs s’y soient mis à quatre pour exhumer les archives et les témoignages nécessaires à cet ouvrage. Car il ne traite pas seulement de la naissance du journal de Pilote mais remonte bien auparavant, à l’avant-guerre. S’intéressant alternativement aux fondateurs du journal depuis leur jeunesse, ils nous permettent de comprendre outre leurs convictions et envies, quelles expériences dans la presse, la bande dessinée, la publicité, la radio, l’événementiel ou même dans un fleuron de l’industrie (L’Oréal) permettront d’aboutir au cocktail alors totalement novateur que fut le lancement de Pilote.

Pilote - La naissance d'un journal © La Déviation
Les artisans les plus connus en sont Jean Hébrard, François Cloteaux, Maurice Joly, ainsi que bien sûr René Goscinny, Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier. Mais il y en eut bien d’autres qui contribuèrent chacun à leur manière à la création du magazine. Ils tissèrent entre eux des liens épisodiques ou fidèles démêlés par les fins limiers que sont Christian Kastelnik, Patrick Gaumer, Clément Lemoine et Michel Lebailly.
En toile de fond, nous avons d’abord les années d’occupation où certains prirent des risques pour la Résistance tandis que d’autres ont franchi la ligne jaune de la collaboration ou sont restés comme beaucoup dans une zone grise, parfois ambigüe. Les quatre historiens de la BD font revivre l’essor après la Libération de la presse jeunesse et les liens qu’elle entretenait parfois avec des marques comme Dop. Les années réclament… Et Radio-Luxembourg, en plein essor, offrait une modernité que la radio d’Etat était incapable de proposer.
L’ouvrage est richement illustré. Et l’amateur de BD sera ravi de découvrir les versions successives des maquettes du numéro zéro de Pilote. L’occasion de (re)découvrir que parmi les artistes pressentis il y avait entre autres Franquin (avec un certain Francinou), Jijé(avec le western Jim-Dix) et le prolifique Uderzo bien sûr avec plusieurs héros : un pilote d’avion (nommé non pas Tanguy mais Marc Laurent), un cow-boy (Jim Flokers) et des séries humoristiques sans Gaulois (La petite classe, Le Roman de Renart).
Cet ouvrage est une fantastique machine à explorer le temps, érudite et enthousiasmante. Un travail de détective de haut vol.