Détour par Epsilon

Tom est jeune, enceinte, elle se réveille ce matin-là en dehors des murs de la cité. On ne comprend pas trop pourquoi elle est là, ce qu’elle a pu faire pour mériter ce rejet, juste que dans le sac posé à côté d’elle, il y a une carte, avec une piste en rouge qui lui indique comment se rendre à Epsilon…

Lolita Couturier est une jeune autrice qui livre là son premier album. Elle plonge son héroïne, accompagnée de Lélé, une petite fille muette assez énigmatique, dans un monde postapocalyptique dont on ne connait finalement pas grand-chose, si ce n’est qu’il est possible d’y croiser des humains zombifiés, des cavaliers agressifs, que ça n’est finalement pas le meilleur des endroits pour mettre au monde un enfant, mais bon… On ne se perd ni dans les explications superflues, ni même dans les regrets, Tom est une jeune femme qui décide d’avancer, coûte que coûte, hantée par celui qu’elle aime, qui l’a abandonnée, et par cette vie qui n’est plus la sienne, laissée loin derrière.

Puis il y a Vladimir, le solitaire, le gentil, avec son accent à couper au couteau qui finalement se demande s’il ne devrait pas la suivre vers ce point sur cette carte, vers Epsilon. Il ne sait pas très bien ce que c’est, il est obligé de laisser sa forêt, sa cabane, son gibier, mais Tom évoque en lui un but à atteindre, une sorte de voyage avec une cause, une flèche à suivre, et c’est peut-être suffisant, après tout. Ensemble, ils repartent, traversent les bois, la campagne, une rivière, ils font de mauvaises rencontres, doivent sortir leurs armes, il n’y a que lui, elle et… Lélé…

Détour par Epsilon © Les humanoïdes associés

Ni trop, ni peu

Détour par Epsilon se distingue au milieu de toutes les sorties du moment par la justesse de son écriture, de ce regard parfois nonchalant sur un univers qui s’effondre petit à petit. Ce flou qu’entretient Lolita Couturier autour du contexte de l’histoire est une très habile façon de faire comprendre que les causes ne sont pas si importantes, ce qui l’est c’est l’humain et ses émotions, cette matière vivante qui repousse les limites du récit pour nous emporter dans un voyage captivant plein de non-dits, de ces phrases inutiles qui se devinent par les gestes, les yeux, le silence.

La jeune autrice démontre déjà une belle maîtrise de la narration, du rythme. On sent un travail de storyboarding en amont qui a étroitement balisé le récit et ses respirations, avec une jolie gestion des émotions qui rendent très attachants ces personnages.

Un premier volume qui intrigue et qui donne très envie d’aller plus loin encore aux côtés de Tom.

Affaire à suivre, avec attention.