Entre dérives humaines, injustices et violence sociale, La Voix des bêtes, la faim des hommes, de Thomas Gilbert aux éditions Dargaud, nous offre un pur condensé de thriller médiéval et de dark fantasy. Piochant ses inspirations dans le folklore français et les citations bibliques, l’auteur nous fait mener l’enquête auprès de Brunhilde, là meneux de loups et loupiot, son chien loup, dans ses errances dans les Causses du Quercy en plein Moyen Âge.
En France, à la lisière de l’an mille, non loin de Saint-Cirq, Brunhilde est une voyageuse. Meneux de loups, elle va de hameaux en ville pour prodiguer ses soins et ses connaissances aux manants. Souvent accueillie avec réticence, elle s’estime heureuse quand on lui offre un toit et un morceau de pain. Lors de son périple, Brunhilde va rencontrer Paulin, un colporteur itinérant avec qui elle va faire un bout de route. Ensemble ils visitent plusieurs villages en proie à la famine. Pis encore, des enfants sont retrouvés morts, affreusement mutilés. Les villageois étant sûrs qu’il s’agit d’une bête, n'hésitent pas à incendier les forêts et les animaux qui les peuplent.
En parallèle, l’histoire d’Othon, nous est conté. Ce prêtre a survécu naguère à une attaque des hommes du nord sur son couvent. Les Anges l’ont touchés de leur grâce… en échange de quoi, Othon doit les aider à constituer une armée digne de la Gloire du Père afin de faire face à l’Apocalypse et à La Bête qui sont en marche.
Les pérégrinations d'Othon et Brunhilde vont les amener à se rencontrer lors du sauvetage de cette dernière par le prêtre face à des trafiquants d'humains. Tous deux voyageurs, ils font partis de la caste des laissés pour compte et des marginaux. Ils sont donc les premiers visés dans ce contexte de tensions.

La Voix des bêtes, la faim des hommes © Dargaud, 2023
Avec La Voix des bêtes, la faim des hommes, Thomas Gilbert aborde la noirceur de l’âme humaine, des extrêmes que l’Homme peut atteindre lorsque son environnement évolue et qu’il en perd le contrôle. Tout n’est pourtant pas si sombre, Brunhilde a une âme pure. Elle aide autant qu’elle le peut les êtres qu’elle rencontre, qu’il s’agisse de bêtes ou d’humains. La meneux a un passé traumatique qui refait surface de manière spectaculaire lorsque sa cicatrice de son nez se met à saigner abondamment en présence du mal, elle est pourtant prompte à pardonner son prochain même lorsqu’il s’agit d’un cas désespéré.
Auteur accompli et virtuose, Thomas Gilbert arrive toujours à nous bluffer avec ses pleines pages d’illustration à couper le souffle. Il utilise ainsi les quatre Cavaliers de l’Apocalypse; La Famine, La Mort, La Guerre et la Conquête. Les Cavaliers offrent alors un rythme au récit. Avec la page de La Bête, nous arrivons à ce qui s'apparente à un chapitrage en cinq actes. À ceci s'ajoutent les représentations titanesques des Archanges, la variété de ses cadrages, de ses compositions, la maîtrise de sa palette de couleurs et du scénario et nous obtenons la recette complète d’un très bon album.
Fait particulièrement intéressant, l’auteur offre, en dernière page, la liste des références qui l’ont inspirées pour ce voyage. Si les mythes et légendes qui saupoudrent ce récit vous titillent, vous pourrez continuer de vous imprégner de ces sources. La note de l’auteur, qui se situe juste au-dessus, nous éclaire sur le chemin parcouru et sur celui à venir, à bon entendeur.