Antonia est une femme simple issue d'une famille dont la précarité a été aggravée par la guerre civile. Carmen, sa mère adorée, l'a entretenue dans une foi religieuse naïve justifiant tous les sacrifices par l'assurance d'être récompensée dans l'au-delà. Elle a connu pourtant de petits instants de bonheur, comme à cet été 46, sur cette plage où a été prise cette photo qui ne la quitte pas...

Retour à l'Éden
Le synopsis de l'album Retour à l'Éden
Réécrire une mémoire trop dure à vivre

Après avoir consacré un album à son père, La Maison, le bédéaste espagnol Paco Roca consacre un opus à sa mère. Une plongée dans une vieille photo de famille qui permet d’éclairer toute son histoire par-delà les reconstructions mémorielles.
Une histoire de famille ne peut jamais être séparée de la grande Histoire d’une société. C’est la démonstration que nous offre Paco Roca avec Retour à l’Eden. Antonia, sa mère, est une enfant du franquisme. La dictature s’imprégna si profondément dans les familles, qu’il était impossible d’échapper à son emprise.
COMBATTRE LES TROUBLES DU PASSÉ POUR CULTIVER L’AVENIR
Paco Roca montre comment ce régime totalitaire a laissé sa marque sur les hommes et femmes espagnols : une société corsetée, honteuse, haineuse. Une société qui écrase les « petites gens » et leur interdit tout espoir de promotion sociale.
Alors pour supporter ça, Antonia a réécrit ses souvenirs. Elle s’est attachée à une photo, symbole d’un rare moment heureux ; un moment à part devenu un symbole, un faux-semblant. Antonia n’a jamais pu briser les fers qui l’enchaînaient, elle a donc tenté de les effacer. Mais sans imaginer que la génération d’après, celle de Paco Roca, oserait briser ces apparences pour tenter de soigner le mal à la racine.

Retour à l'Eden
©Delcourt, 2022
CRÉER DU LIEN PAR L’OBJET LIVRE
Pour la seconde fois, Paco Roca travaille dans un format à l’italienne. Il crée ainsi un cycle cohérent dans l’exploration de son histoire familiale. Mais cette fois, il travaille sa narration pour tirer parti de ce format spécifique. Introduction et conclusion lui permettent de casser les codes de la narration.
Son dessin reste fidèle au trait qu’on lui connaît depuis de nombreuses années. Simple, souple, maîtrisé, lui permettant de se montrer réaliste tout en préservant une distance qui offre plus d’universalisme. Les comparatifs avec les photos introduites à différents moments, permettent de bien comprendre ce mécanisme.
Paco Roca ne cherche pas à ressembler à la réalité. Il nous en transmet l’essence. Retour à l’Eden est une œuvre intime et marquée par la société à laquelle elle appartient. Mais pour autant, Paco Roca en fait une œuvre ouverte et inclusive, qui permettra à de nombreux Européens de se projeter dans l’expérience de sa famille et de son pays.
