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Philippine Lomar, détective des cours d’école

Philippine, la porte-parole des oubliés

Derrière le monde tapageur de Philippine Lomar se cachent certains messages liés à des questions sociales…

Dominique Zay : Le polar a toujours éclairé les zones d’ombre de notre société. Il présente des quartiers peu fréquentés, ou les métiers dont on ne parle pas. J’ai voulu suivre cette posture dans la bande dessinée, en abordant sur un ton léger et humoristique des sujets assez grave : le racket, l’Alzheimer, l’absence d’un père...

On sent qu’au-delà de la BD vous êtes chacun touché par ce genre de problématique…

Extrait de Scélérats qui rackettent, page 44

Greg Blondin : J’ai toujours vécu dans le quartier Nord d’Amiens, réputé « difficile ». J’ai fréquenté son école, j’y travaille, je suis donc bien inséré dans ce mode de vie. Il me fournit pas mal de matière aussi bien dans les sujets abordés dans mes livres, que dans leurs décors. La cité où réside Philippine est clairement tirée de mon quartier d’enfance. J’ai même repris certains endroits d’Amiens et de ses alentours comme la cathédrale pour aménager un cadre visuel au récit.

Les ateliers que je donne pour l’association On a Marché sur la bulle m’aident aussi beaucoup ! Je suis ravi de sortir de mon bureau et apprendre à dessiner auprès des jeunes, qui me permettent par la même occasion de me tenir à jour des tenues vestimentaires, de leurs attitudes. Cela m’évite de diffuser une vision des jeunes d’aujourd’hui dans laquelle ces derniers ne se reconnaissent pas.

Dominique Zay : Je réalise beaucoup d’interventions dans les quartiers chauds d’Amiens, ainsi que dans des prisons et hôpitaux psychiatriques. J’y rencontre des personnes en difficulté et les interroge, ce qui nourrit énormément mon travail scénaristique. Une fois je suis allé à la maison d’arrêt d’Amiens dans laquelle j’ai vu des détenus clamer leur innocence. Je leur ai répondu que ça ne m’intéressait pas de m’entretenir avec eux dans ce cas-là, vu qu’ils n’avaient rien à me raconter. Ils m’ont tout de suite rattrapé ! [rires]. Et c’est là qu’ils m’ont raconté leur quotidien, de ce qu’ils mangent, à ce qui les motive à verser dans le crime.

Extrait de Scélérats qui rackettent, page 19

Quand j’écris un polar, il est très important de savoir les raisons qui poussent les individus à tel ou tel agissement. La BD reportage fonctionne aussi sur ce mode, ce qui le rapproche du genre noir à mes yeux. Les deux s’approprient les procédures d’enquêtes journalistiques, voire de sciences sociales pour nourrir leur récit.

Insérer des thématiques aussi sensibles dans une BD jeunesse est un défi compliqué… Passer par les yeux d’un enfant les rend-elles plus abordables ?

Dominique Zay : Oui et non. J’ai envie d’armer les gamins contre les dures réalités de notre monde : la drogue, la dépression, la violence conjugale. Mais en même temps je n’ai pas envie de les dégoûter de ce monde-là. J’ai beaucoup de fois eu à jongler avec ces deux idées quand j’écrivais des polars jeunesse. Cela m’a amené à passer les scènes de violence : même si je ne suis pas fou des contrechamps sur la violence, je n’ai pas besoin de voir une cervelle éclatée pour comprendre qu’un type s’est fait tirer dans la tête.

Extrait de Scélérats qui rackettent, page 28

J’utilise ce procédé dans mes romans aussi bien jeunesse qu’adulte, en ménageant des moments de respiration comme les scènes entre Philippine et sa mère. Elles me permettent d’approcher ces sujets de manière comique. Je suis de l’école des pirouettes, j’essaie de mettre des paillettes là où il n’y en a pas vraiment !

Extrait de Scélérats qui rackettent, page 36
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