Magda n’est pas vraiment pressée de grandir. Malheureusement l’annonce de la fin du monde dans à peine un an va l’obliger à brûler les étapes... Comment avoir la sensation d’une vie accomplie alors qu’elle aura étée si courte ? Chloé Vollmer-Lo aborde l’adolescence de manière intimiste et très sincère dans son tout premier scénario, celui de L’Apocalypse selon Magda mis en dessin par Carole Maurel. Une vraie réussite dont Chloé Vollmer-Lo parle avec simplicité.
Et si c’était la fin du monde ?
Comment êtes-vous venue à la BD ?
Chloé Vollmer-Lo : Mon vrai métier, c’est photographe mais j’écris depuis toujours puisque c’est une de mes premières passions. Je n’ai jamais passé le pas de l’édition ni de la bande dessinée car ça me paraissait très compliqué et j’avais du mal à me trouver légitime. J’ai rencontré David Chauvel à qui j’avais déjà envoyé pas mal de choses. Il m’a poussée à écrire un scénario de BD. Une fois que j’ai balayé toutes les mauvaises excuses pour ne pas le faire je me suis dit que je n’avais pas grand-chose à perdre.

Votre métier de photographe a-t-il une incidence sur votre travail ?
Quand j’étais ado, je passais mes journées à très mal dessiner des BD, car c’était quelque chose qui me fascinait et que j’avais envie de faire. Grâce à cet amour pour la composition d’images, je suis devenue photographe. J’ai aussi fait beaucoup de théâtre dont je trouve que l’écriture se rapproche beaucoup. J’imagine une scène de vie et j’ai l’impression de me projeter au milieu, de regarder autour, de me demander ce que je vois, ce que j’entends pour l’écrire. Le théâtre a la même démarche : tu es une enveloppe vierge et tu reçois tout ce que tu as à mettre sur cette enveloppe.
Quelles sont vos influences ?
J’aime bien les romans pour ados qui ne cherchent pas à t’épargner. J’ai été très marquée par La Croisée des mondes qui est très dur. J’aime aussi les univers post-apocalyptiques ou d’anticipation comme 1984. Certaines musiques m’inspirent aussi très fortement, notamment des compositions de Philip Glass.
Comment vous est venue l’idée du scénario de L’Apocalypse selon Magda ?
C’est fou mais j’ai fait un rêve. J’ai rêvé d’un monde où la fin du monde n’aurait pas eu lieu et où une communauté essaye de se reconstruire. C’est devenu : la fin du monde va avoir lieu dans un an, qu’est-ce qu’on fait en attendant ? Je trouve aussi qu’il y a peu de BD avec des héros adolescents qui soient intimistes et non dans la grande aventure, la science-fiction ou l’humour.

Je suis un peu embêtée de voir que beaucoup de personnes pensent que cet album est pour les filles ou pour les ados. Ce n’est pas un bouquin condescendant vis-à-vis des adolescents : il peut renvoyer à plein de choses que tu peux vivre au quotidien ou que tu te souviens avoir vécu. Le fait que Magda soit une fille est juste plus pratique pour moi mais l’identification fonctionne de la même manière.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Quand tu écris un roman, il est facile de diluer ton propos et de te cacher derrière des figures de style. En BD, c’est beaucoup plus brut car la structure de ton scénario et de tes actions va être immédiatement visible. Cela pousse à une plus grande rigueur dans la construction de ton synopsis. Je trouve l’exercie très intéressant car on ne peut pas être bavard.
Comment avez-vous rencontré Carole Maurel, la dessinatrice ?
J’ai rencontré Carole Maurel au We Do BD, ancien festiblog pour lequel je fais les portraits des auteurs depuis très longtemps. Quand j’ai eu mon synopsis détaillé, j’ai écumé tous les auteurs en me demandant qui pourrait bien le dessiner. J’ai redécouvert le travail de Carole, qui m’a frappée par son côté très vivant. Carole est une ancienne élève des Gobelins [école d’animation N.D.L.R.], elle a donc fait beaucoup de story-board et a l’habitude d’être très efficace dans les expressions et les mouvements qu’elle dessine.
Le temps de l’adolescence
Pourquoi avoir choisi de raconter cette histoire du point de vue d’une ado de 13 ans ?
Magda n’est pas libre de ses mouvements, ce qui est intéressant. Si je raconte l’histoire d’un mec qui a de l’argent, il va faire le tour du monde ou se payer des trucs incroyables : c’est tout. À l’adolescence, les émotions ont tendance à être décuplées, ce que je trouve très beau. Dans un contexte pré-apocalyptique, c’est énorme ! Je voulais aussi que Magda soit une enfant pas spécialement pressée de grandir pour qu’on puisse voir la double transformation : la conscience de la mort imminente et l’envie d’être adulte très vite.

Vous traitez de ce sujet de manière intimiste en mettant de côté l’aspect sociétal…
Je voulais placer le récit dans une petite ville car à Paris ou à New York, ça aurait été le chaos. J’avais envie d’un microcosme pour créer toutes ces petites histoires et me concentrer sur Magda. Le récit ressemble à ce que tu peux vivre quand tu es ado et que tu es très centré sur toi. Carole a aussi vraiment su capter directement un non-dit : la mère de Magda devient alcoolique et Magda passe complètement à côté.
Comment avez-vous abordé les thématiques de l’adolescence ?
Il y a plein de problématiques intéressantes dans l’adolescence d’une fille, notamment que tu sens que tu es encore très jeune et il y a des regards sexués qui se posent sur toi. Ce sont des petites épreuves dans l’adolescence des filles, dont on ne parle pas mais qui sont omniprésentes. Il y a également le rapport aux règles qui est tout à fait normal mais extrêmement violent, ça donne une espèce de responsabilité et de gravité, comme prendre conscience qu’alors que tu es une enfant, tu pourrais faire un enfant là maintenant.

Vous traitez aussi de la sexualité à l’adolescence et du tabou qui existe autour.
La mère de Magda, sa sœur et les parents de Julie sont des personnages qui sont restés sur des standards de notre monde alors que la donne a complètement changée ! Magda est la seule à dire que les cartes sont complètement redistribuées. Ce livre ne prône pas la sexualité des enfants de 13 ans mais en effet c’est en partie une critique du regard posé sur cet âge... Il y a beaucoup de gens qui sont très prompts à juger énormément de choses sans penser que la première personne qui doit décider est celle dont le corps est en action. Au début, le rapport au sexe est très beau et naïf, il n’y a vraiment rien de sale et déviant là-dedans.
Quels sont vos projets ?
J’ai écrit un autre scénario qui ne verra jamais le jour je pense, vu qu’il est beaucoup plus contemplatif et métaphorique...
J’ai un synopsis qui est en cours mais j’en suis au stade douloureux du premier jet qui est mauvais ! C’est horrible ! Ca serait une histoire de réincarnation qui ferait des allers-retours entre le Paris d’aujourd’hui et le Paris de 1900 au moment de l’exposition universelle. Carole a l’air plutôt emballée et j’aimerais bien retravailler avec elle.

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