La BD pour suggérer une époque violente
Comment vous êtes-vous documentés sur ce moment historique crucial ?
On a épluché beaucoup d’ouvrages historiques, de reconstitutions de batailles et de costumes militaires. On ne voulait surtout pas se tromper en suivant des habitudes graphiques. Par exemple, dans toutes les gravures d’époque, les cornacs sont représentés dans des habitacles, alors qu’on sait maintenant qu’il n’y en avait pas du tout à cette bataille.

Extrait de La Dernière Conquête
On a essayé de coller à la réalité en notant pas mal de détails même si on n’a pas pu tout utiliser : s’il est important pour nous de bien se documenter, ça l’est tout autant que cette documentation n’apparaisse pas trop de manière pédagogique.
Vous intégrez aussi des personnages historiques à la BD, comment vous y prenez-vous graphiquement ?
Des séries comme Rome donnent déjà des représentations magnifiques de certains personnages comme Marc-Antoine. Pour contrer cela, je me documente au maximum. Afin de créer Marc-Antoine, j’ai recherché un maximum de bustes antiques que j’ai croqués pour en extraire un personnage de l’univers d’Alix. Pour Juba Ier, sa coupe complétement déjantée est aussi d’époque ! Quand peu de représentations antiques existent, je lis des descriptions de cette époque pour animer les personnages.

Marc-Antoine dans Par-delà le Styx
Pour certains autres personnages, il n’existe aucun document. Titus, le mercenaire à casque de serpent par exemple. On sait qu’il a existé et c’est tout ! J’ai donc puisé dans mon imagination en partant de son caractère. Je voulais un personnage angoissant avec un côté vautour. Lorsqu'il emmène Alix dîner dans une taverne alors qu'il y a des morts partout, je voulais qu'on ait l'impression qu'il le tient entre ses serres…
On saisit bien l’horreur de bataille malgré des non-dits…
Je ne peux pas traiter l’Antiquité comme si c’était une période calme, car il s’agit d’une époque très violente. Mais il y a aussi une réelle volonté de rester tout public, comme le voulait déjà Jacques Martin. Il faut donc rester suggestif dans l’horreur, ce qui est intéressant au niveau des codes de la BD classique.
Par exemple, une fois le combat fini, les épées sont déchirées et on devine des amorces de charnier : on n’a pas besoin d’en montrer beaucoup plus, car le lecteur comprend qu’il y eut beaucoup de morts.
Ce récit semble plus choral que les précédents…
Comme je travaille sur un album durant un an, il me faut un angle d’attaque à chaque fois différent. Là, on se sert beaucoup de la mythologie « alixienne » en retrouvant des personnages connus de la série. Dans cet album, il y a beaucoup de voyages, même s’il est plus intimiste finalement. Le prochain aura un angle d’attaque totalement différent.

Alix, Saburra et Astyanax dans Par-delà le Styx
On ne fait pas revenir des personnages gratuitement : ils doivent avoir leur place dans l’intrigue, ne pas être de simples hommages…
Cette mythologie alixienne est un premier pas vers la rencontre avec la série Alix Senator ?
Pour moi, Alix Senator a un autre personnage pour héros car cette série se passe après la guerre civile. Alix reste plus proche du personnage de Jacques Martin, alors qu’Alix Senator donne corps à des personnages plus vieux qui ont vu beaucoup de choses : nos personnages ne vont pas vieillir même s’ils évoluent. On ne désire pas les figer, recréer sans cesse le même album. Entre deux actions, ils sont plus en train de réfléchir à leur passé, de douter… C’est peut-être plus dû à l’ère du temps qu’au lien avec Alix Senator.
En rencontrant Valérie Mangin, la scénariste d’Alix Senator, on s’est rendu compte qu’on se servait tous deux d’Héraklion : donc il fallait qu’on prévienne l’équipe d’Alix Senator si jamais on faisait subir des choses importantes à ce personnage.

Héraklion dans Par-delà le Styx
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