Dessiner : savoir doser
Comment travailles-tu avec Denis-Pierre ?
Au début, il me livrait un scénario fini, mais maintenant on partage tout. On part sur une première idée puis il m’envoie un synopsis léger puis on discute encore et ainsi de suite. On discute beaucoup à chaque étape, peut être trop ! [Rires] C’est pareil avec Gaspard Yvan, notre coloriste : on lui fait entièrement confiance et on parle de chaque étape ensemble, pour que la BD soit vraiment produite par tous les trois.

As-tu changé ton trait pour représenter Grégoire adolescent ?
C’était la partie la plus délicate, car Grégoire était vraiment le personnage symbole de cet univers. On a tous beaucoup parlé de ce changement : Denis-Pierre, les Humanoïdes Associés et moi. J’avais une idée en tête de ce que pouvait devenir Grégoire et son univers. J’ai l’impression d’avoir trouvé la formule, mais ce n’était pas acquis. Quand j’ai fini de chercher ce personnage ado, je l’ai montré à tout le monde pour être sûr !

D’ailleurs la sœur de Grégoire est moins bimbo…
Elle a grandi aussi. Physiquement c’est moins évident car elle était déjà ado dans Gargouilles. Mais son caractère a évolué car elle a affronté des situations qui l’on rendue plus adulte. Bizarrement, elle est devenue plus responsable que Grégoire, ce qui est naturel vu que Grégoire refuse la magie à présent. Le rapport frère et sœur évolue même si Grégoire est toujours au centre de l’histoire.
Et comment travailles-tu les face-à-face familiaux ?
Il y a plusieurs niveaux : Denis-Pierre décrit les relations entre les personnages et cela crée des images dans ma tête. Si le personnage est « méchant » ou « gentil », ça change la donne même si on ne joue pas du tout avec les stéréotypes. Pour les expressions, c’est une question de dosage car il y a plusieurs niveaux de compréhension possibles. Cette partie du travail, je l’adore encore plus que le reste : les parties de dialogue sont très importantes pour moi.

Il y a d’un côté le Hollywood de la BD avec l’action, le grand spectacle et de l’autre les dialogues et ce qu’ils demandent de technique. Il faut tomber juste dans le degré d’émotion que les personnages dégagent. On ne peut faire ça que si on connait par cœur le caractère de nos personnages. Des codes graphiques existent depuis toujours mais il faut absolument trouver le bon dosage, la bonne alchimie !
En plus on aime bien ne pas jouer des stéréotypes, donc le dosage est encore plus compliqué ! Il faut que les motivations des personnages soient exploitées, puisque le pourquoi donne l’épaisseur aux personnages.
Avec quoi crées-tu tes animaux légendaires ?
C’est un sacré travail de synthèse : pour Peur, par exemple, le « monstre » de ce tome, je voulais une bête féroce, sauvage et intelligente. Comme base, je voulais un félin, car c’est très majestueux et très beau. Pour le visage, on a ajouté un singe puis mis des ailes. C’est une idéalisation de l’animal parfait : dangereux et parfait à la fois. Je ne sais pas si c’est la meilleure solution, mais comme on l’a aimé, on l’a conservé.

Comment tu travailles avec ton coloriste pour les créatures imaginaires ?
Normalement, je ne donne jamais d’indications sur la page, mais pour Peur, j’ai tenu à ce qu’il ne soit pas normal. On a donc choisi une gamme de couleurs bizarres et on a ajusté un peu pour avoir ce rendu.
Pour les singes bleus et rouges qui se font la guerre, c’était compliqué, car il fallait les reconnaitre comme deux tribus différentes qui se sont divisées à un moment. On a changé pas mal de fois leur couleur : bleu, vert, rouge, fushia… Finalement on a trouvé une solution, mais c’était difficile !

Vous avez d’ailleurs une idée des mondes que va explorer Grégoire par la suite ?
On est en train de réfléchir avec Denis-Pierre. A chaque étape, on aura un univers différent à découvrir, ne nous reste plus qu’à choisir lequel parmi toutes les possibilités !

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