La misère à butiner
La seule qui s’en sort, c’est la chanteuse ?
Pénélope déclenche toute l’intrigue car c’est elle qui revient et les autres qui ne bougent pas ! Certains sont restés là, devenus vraiment minables : c’est quelque chose que l’on vit vraiment dans notre petite ville de province. Des artistes avaient des rêves, que le confort empêche de confronter à autre chose et ils se rétrécissent au fur et à mesure… Ils avaient du talent à la base mais n’ont pas pris de risques.

Le thème du loser, comme réalité ?
On transcende un peu la misère. Elle n’est pas que d’une seule couleur, elle peut être intellectuelle, sociale, sexuelle, économique ou même liée aux rêves d’enfants qu’on a jamais accomplis...
Le tableau de la dernière page ?
C’est un jeu de miroir. Ce tableau déclenche l’histoire : il symbolise vraiment le regard de soi : ça fait 20 ans que Gégé fait des autoportraits avec lesquels il essaie de construire une œuvre, alors qu’il est juste en train de regarder son nombril ! Mais jusqu’à la fin du travail, je ne savais pas quoi mettre sur ce tableau !

Finalement, il dessine une vraie mouche, comme il est représenté sur la couverture, pas le personnage anthropomorphe qu’on a conçu. Quand on a trouvé ça, on s’est dit ça y est, c’est évident : c’est horrible et drôle à la fois, parce que ça fait 20 ans qu’il ne fait que regarder une mouche et c’est moche ! C’est un beau hasard de l’écriture, on est parti d’un univers d’insectes pour revenir à un univers d’insectes…
Sur la couverture il y un numéro, il y en aura donc d’autres ?

Ouais, le premier synopsis avait un potentiel de 200-300 pages ! Comme Guerse, est un dessinateur très minutieux, ça nous aurait pris 20 ans ! Il y aura au moins 3 tomes, à lire séparément ou ensemble. Ce récit est à la fois très chaotique et très construit : des vies sont laissées en suspens. Elles seront racontées dans Vermines magazine.
On travaille aussi un récit en parallèle de Vermines : Vermisseaux qui s’adresse plutôt aux enfants. La première histoire paraîtra dans Spirou, comme le pendant rural de Vermines. On a eu envie d’un récit plus classique et plus léger, d’aventure, d’action, dans un décor avec plus luxuriant. Guerse avait besoin de dessiner un peu plus de vert, vu qu’il a passé des années dans un univers urbain très noir ! On est un peu dans le pastiche de Macherot et de Franquin : on aime se souvenir de cette BD là ! Après un récit très contemporain, on s’attache à un récit très clair avec une lisibilité maximum s’inspirant beaucoup de Franquin.
On a pris notre temps pour développer notre récit, en se disant qu’on ne ferait pas carrière, un peu comme des amateurs au sens noble du terme. On aime bien la liberté que ça nous donne. On préfère ne pas être bavards ni carriéristes. On s’est écharpés, comme l’a fait Blutch d’ailleurs, avec un nouveau rédacteur en chef de Fluide : on est partis car Vermines ne cadrait pas avec son projet. Bon, on lui a dit « va te faire foutre ! » et on est retournés de plus belle chez des éditeurs comme 6 Pieds sous terre et Les Requins marteaux !
On ne fait que les livres qui nous semblent nécessaires, c’est notre manière de voir la BD. Garder notre indépendance pour créer des choses qui nous semblent importantes, et pas pour occuper du mètre carré de linéaire en librairie !
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