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L’Histoire n’est jamais simple

L’échec dans la victoire

Quel bilan tirez-vous de cette période historique ?

Je pense que le règne d’Elizabeth n’est pas une parenthèse. Je n'irai pas non plus jusqu’à tirer un bilan, mais je pense qu’elle et Marie Stuart  ont fait des choix qui les ont menées à des échecs dans leur victoire. Elizabeth arrive à se maintenir sur son trône, mais c’est le fils de Marie Stuart qui lui succédera. Marie Stuart se voyait reine absolue, mais son fils héritera de cette envie et finira par la mépriser.

Il y a un côté assez cruel : l’échec est intrinsèque aux conditions de leurs victoires. C’était de toutes façons une époque où il était très difficile pour les femmes de triompher politiquement : elles n’avaient que très peu de marge de manœuvre, qu’elles se marient ou non. Il n’y avait pas d’issue entièrement positive pour elles.


Vous avez fait le choix de ne pas adopter un registre de langue trop vieilli, pourquoi ?

C’était compliqué pour moi d’écrire à la manière de l’époque et cela n’aurait pas ajouté grand-chose. C’est forcément très ampoulé, or je voulais un côté comique et outrancier, très vulgaire. J’ai choisi de faire parler mes personnages de manière anachronique, ce qui fonctionne mieux en termes de fluidité du récit.

On est obligés de penser aux lecteurs et à la façon dont ils perçoivent le contexte d’une époque. Je me souviens par exemple que j’avais commencé à écrire mon précédent album, D’Artagnan, avec les canons de beauté d’époque. Or dans la première scène, d’Artagnan croise Milady et, sans un mot, en tombe amoureux. C’est triste, mais ça aurait été difficile de faire comprendre cela au lecteur de 2015 si Milady correspondait aux canons de beauté de l’époque.

À l’inverse vous présentez le texte original de leurs correspondances....

Ces deux femmes aux destins liés ne se sont jamais rencontrées. Leur seul mode de communication est donc le courrier. Elles arrivaient à se parler sans intermédiaire, avec tout ce que cela suppose d’arrières pensées, d’hypocrisie, de tromperies et de mensonges. D’un point de vue narratif c’est aussi très pratique, parce que cela me permet en une page de raconter ce que j’aurais pu expliquer en 4-5 planches !


Graphiquement, comment avez-vous travaillé ce double album très particulier ?

Je n’ai pas l’impression de beaucoup faire évoluer mon style d’un album à un autre : j’ai essayé mais ma main refuse [rires]. Je garde donc ces visages très géométriques et stylisés, alors que mes décors restent semi-réalistes. En revanche, pour les couleurs et l’encrage, je change de technique à chaque album en fonction de l’ambiance que j’essaie de restituer. Ici, j’ai utilisé des encres acryliques, qui me permettent d’exprimer la richesse de la Cour.

Ces deux albums sont aussi divisés en séquences qui sont toutes travaillées en bichromie. Lorsqu’une séquence est en vert et bleu chez Marie Stuart, elle sera en bleu et vert chez Elizabeth. Au-delà de cela, il n’y a pas vraiment de logique : j’ai fait beaucoup de nuanciers pour trouver les couleurs qui colleraient à chaque séquence. Il y a aussi quelques mélanges malheureux, des planches que j’ai beaucoup retouchées sur Photoshop parce que l’originale est abjecte [rires]. Je voulais quelque chose de brillant et lourd qui exprime le faste.

Quelles ont été vos sources d’inspiration principales ?

La biographie de Marie Stuart par Stefan Zweig était mon point de départ. Après évidemment, beaucoup d’ouvrages spécialisés sur Marie Stuart et Marie Tudor, quelques documentaires. Mais dans l’ensemble, je n’ai pas eu de grande source d’inspiration.

Graphiquement, les BD de Brecht Evens au côté très tranché au niveau des couleurs m’intéressaient énormément. Elles m’ont beaucoup inspiré pour la bichromie des séquences. Mes premières recherches étaient plus proches de son style, mais n’est pas Brecht Evens qui veut, et le résultat était catastrophique [rires].

Quels projets pour l’avenir ?

Surtout des projets de scénario pour l’instant mais qui ne sortiront probablement pas avant 2 ou 3 ans donc c’est encore un peu tôt pour en parler. Ce sera toujours de l’historique en tous cas !


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