L’Absurde et le Sens
Vous êtes connu pour aborder dans presque tous vos albums les codes narratifs de la BD, avez-vous eu une démarche semblable pour Le Sens ?
Je ne pense pas qu’on puisse vraiment parler de démarche, plutôt de penchant, toujours en lien avec ma recherche de la meilleure forme possible pour chaque album. Chaque fois forcément, il y a une nouvelle exploration, dans des terrains plus ou moins connus.
Dans Sens, l’expérimentation qui m’intéressait, c’était l’écriture automatique, qui était une volonté ferme de ma part. À chaque fois c’est le penchant de l’explorateur, qui m’amène à la découverte… et toujours à la jubilation.

Au milieu de ses aventures, le personnage finit par trouver un livre, dans lequel on trouve une citation codée. Pourquoi l’avoir codée ?
J’ai utilisé un code parce que je voulais d’abord garder l’album complètement muet. Je m’étais amusé à retranscrire toutes les lettres de l’alphabet avec cette forme de flèches carrées, et l’idée m’avait plu.
Je voulais aussi éviter d’en faire une leçon, une sentence ou une morale, d’où l’idée de ne pas l’écrire en langue humaine. Il fallait que la citation et sa découverte par le lecteur soient un peu absurdes, tout en restant compréhensible.
Votre livre fait-il référence au mythe de Sisyphe classique et/ou au livre éponyme d’Albert Camus ?
Oui, effectivement, Le Sens, c’est un peu le mythe de Sisyphe en terrain plat ! Du moins, on pourrait le résumer comme ça, mais il y a d’autres définitions possibles.
Dans Le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, on est plongés dans l’absurde de la vie et du plaisir qu’on peut en tirer. Une personne n’a sans doute rien à attendre de plus de la vie que ce que les circonstances lui donnent, et pourtant, il lui arrive toujours quelque chose de nouveau. Je pense que si l’on est suffisamment ouvert, il peut y avoir un plaisir à cette absurdité. Et typiquement, le personnage de Sens c’est ça : ce qu’il vit est dérisoire, mais il vit quand même des aventures variées !
Pensez-vous réutiliser un jour ce personnage ou ce format ?

Le bronze représentant le vortex
Je ne me l’interdis pas, bien que je pense que je ne referai pas d’histoire avec cet objet-flèche. Il ne pourrait pas y avoir une flèche de plus ou de moins. Par contre, il pourrait y avoir plus de travail sur le volume à partir de cet album, c’est pour ça que j’ai recréé certaines scènes de l’album avec les sculptures en bronze pour l’exposition.
Certaines formes, par exemple la scène du vortex, sont presque plus intéressantes à travailler en relief. J’aimerais d'ailleurs pouvoir raconter toute cette scène en relief, le vortex avalant le personnage jusqu’à ce qu’il en soit éjecté.
Des projets pour l’avenir ?

Après l’exposition S.E.N.S. à Bruxelles, elle arrivera au LiFe à Saint-Nazaire dans une version remodelée, qui prendra la forme d’une galerie habitée par des tableaux reprenant la narration de l’album. J’y ajouterai également plusieurs vidéos transposant les dessins de l’album, avec éventuellement un peu d’animation mais principalement du dessin en mouvement glissant.
Le pari c’est d’arriver à capter le regard et l’imaginaire du visiteur avec du dessin fixe projeté sur de grandes feuilles flottantes. Le but est d’arriver à un parcours un peu onirique, amenant des sensations proches de la lecture du livre, mais à une autre échelle évidemment.
Je suis encore en train de travailler dessus ; l’exposition commencera en mai pour s’achever en octobre. Et c’est un beau challenge que de croiser les techniques, les formes et les matières ! Quant à un prochain album, je reviendrai probablement à une narration textuelle plus classique.
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