« On a oublié ces troupes coloniales qui se sont sacrifiées »
Pas évident de rendre crédible un tel univers. Ce que vous avez réussi aussi bien pour la part aérienne que les combats dans les tranchées.

Il fallait qu’on y croie. Je me suis documenté. On passait de l’univers des pilotes de chasse à celui des Poilus. J’avais été très marqué par le livre de Joseph Kessel, L’Equipage. Les détails sont importants même si je n’ai pas voulu faire un bouquin pour spécialistes.
On pense à Guynemer qui meurt à 22 ans. Ensuite on rentre dans la boue des tranchées, des tirs d’artillerie, des combats sans pitié. Tous se battent ensemble. J’ai sûrement fait des erreurs graphiques mais je me suis posé un vrai défi car je voulais rester précis.
Titan, le colosse, sort du bagne ?

Il est passé d’un enfer à l’autre, ce colosse. Pierrot a, lui, un peu du capitaine Conan. Le tirailleur que j’ai ajouté à la patrouille est important. On a beaucoup oublié ces troupes coloniales, africaines ou pas, qui se sont souvent sacrifiées. Il apporte sourire et fraîcheur.
Mes personnages se sont mis à vivre au fur et à mesure que j’écrivais. J’ai redessiné des planches, corrigé ce que j’ai pu. J’étais dans le respect de ces hommes dont le sort est tracé. Ils sont passés d’une guerre moyenâgeuse à la pire des guerres modernes.
Ils vont tous avoir des destins tragiques.
Le lecteur le découvrira. Le pilote vit, lui, une sorte de rédemption sur sa civière. En fait, ce n’est pas le héros. Certains soldats ne supportent plus ce qu’ils vivent. Ils finissent par devenir ennemis au sein de la patrouille qui, elle, est le vrai héros de l’histoire.
Combien de temps à finaliser cet album très complet ?
J’ai mis deux ans à le boucler. Je travaille sur un format A3 en couleur directe. Je me suis accroché sur les paysages, les teintes, la désolation, l’environnement quotidien dévasté. J’ai sali mes couleurs. C’était trop propre par rapport à cette tragédie.

Après un tel album, à quel type de BD peut-on passer ?
Curieusement à un livre pour enfants sur la danse contemporaine chez Glénat qui est terminé. Pas évident, je l’avoue. C’est un livre illustré que je signe avec un chorégraphe grenoblois. J’ai vue le spectacle et j’ai été emballé. La sortie est prévue en novembre. Ensuite il y a un projet de collection en BD autour des peintres célèbres. Je ferai celui consacré à Odilon Redon.
Cela dit le travail sur La Patrouille des Invisibles a été épuisant, ce qui ne m’empêche pas d’envisager d’adapter un poème tiré du livre d’Albert-Paul Granier, Les Coqs et les vautours, un pilote abattu en 1917. La Grande Guerre encore mais sous la forme d’un court-métrage d’animation.
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